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celui qui n’y apportait pas le goût de s’instruire ! Il en sortait bon danseur, tirant bien les armes, montant bien à cheval ; mais il en emportait des mœurs passablement relâchées, et beaucoup d’ignorance. Ce qui pouvait compenser un peu ce mauvais côté, c’était un caractère excellent et plié à tout par la sévère éducation que les nouveaux recevaient des anciens.

Je parlerai d’abord du superbe logement qui nous était affecté ; ensuite du service, et je finirai par les usages de notre intérieur, usages réglés par des lois plus sacrées que si elles eussent été gravées sur le marbre et l’airain, puisqu’elles étaient soutenues de l’autorité transmise aux anciens, de race en race, depuis un temps immémorial.

Tout le côté gauche de la grande écurie formait notre logement. On voyait, au rez-de-chaussée, une chapelle très-jolie, une grande salle d’exercices, les offices, les cuisines, et la salle à manger où étaient deux billards. Cette dernière pièce, vaste et assez sombre, dont la voûte massive reposait sur quatre piliers, était éclairée par des lampes et devait ressembler par son aspect, et surtout par le bruit qu’on y faisait, à la caverne de Gil Blas. La chère y était au moins aussi bonne. Nous étions répartis en quatre tables ; et, pour la nourriture, la lumière et le feu de trois ou quatre poêles, le roi donnait au maître d’hôtel quatre-vingt mille francs par an.

Au premier étage, dans une vaste galerie, se trouvaient disposées, sur deux lignes égales, les cinquante