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SOUVENIRS D’UN PAGE.

offices se trouvaient, en effet, très-éloignés, et ces aliments, qui se nommaient des en cas, étaient tenus en réserve en cas que le prince éprouvât quelques besoins. On lit que Louis XIV, ayant su que ses valets de chambre refusaient de manger avec Molière, parce qu’il était comédien, se fit un jour, à son lever, apporter son en cas, où se trouvait un poulet, et en servit une portion à ce célèbre comique. L’empereur Buonaparte avait conservé cet usage ; car son valet de chambre, Constant, raconte dans ses Mémoires, son embarras pour dissimuler à Napoléon, qui, un jour, eut faim dans la nuit et demanda l’en cas, la gourmandise du mameluck Nistau, qui avait dévoré la moitié de la volaille à laquelle l’empereur ne touchait jamais.

Louis XVI n’y touchait point davantage. Lorsqu′il avait besoin de prendre quelque chose entre ses repas, les garçons du château avaient toujours en réserve des sirops, des confitures et autres aliments. Toutes ces liqueurs et ces aliments destinés aux princes étaient toujours essayés, c’est-à-dire goûtés par un officier du gobelet. Si c’était du liquide, il en buvait un peu ; si c’était de la viande, il trempait dans la sauce ou passait légèrement sur le morceau présenté une petite tranche de pain, afin de préserver le souverain du poison. Mais un roi destiné à périr ainsi n’en aurait point été préservé par toutes ces précautions.

Dans l’enceinte formée par la balustrade qui entourait le lit du roi, se trouvaient le fauteuil et quelques tabourets pour les valets de chambre de garde ; car on