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SOUVENIRS D’UN PAGE.

de la beauté, magnifiquement parée et couverte des diamants de toute sa famille. J’ai dit qu’on voyait venir ce jour avec une certaine appréhension. En effet, quel embarras pour une jeune personne qui avait à peine quitté sa mère, de se voir obligée de passer sous les yeux d’une cour nombreuse en faisant, avec lenteur, une multitude de révérences dont elle faisait, la veille, une répétition avec un homme chargé de la diriger ! Et elle n’avait même pas, comme dans les églises, la ressource d’être conduite par un cavalier qui aurait pu, au besoin, soutenir ses pas chancelants. À son trouble, à l’inquiétude de manquer une révérence, d’aller à tel prince avant tel autre, se joignait encore l’embarras de l’habit de cour, de cet énorme panier et de la longue queue. J’ai vu plusieurs de ces jeunes quêteuses dans un état à faire peine ; mais la coquetterie, l’ambition, leur faisaient vite oublier une gêne passagère et la fatigue de cette imposante cérémonie.

Cette quête rapportait beaucoup ; car, quoique les princes, les grands officiers et les dames donnassent seuls, comme on ne pouvait y mettre que de l’or, la recette montait très-haut et ne laissait pas que de gêner les personnes peu riches. Heureux qui pouvait se procurer un demi-louis ! à moins de faire comme un cordon-bleu qui y mettait constamment un jeton. On m’avait, en effet, assuré que depuis plusieurs années déjà, les jours des cérémonies de l’ordre du Saint-Esprit, on trouvait toujours un jeton dans la quête. Sans la destruction de l’ordre, on aurait fini, à la mort