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LA CÈNE.

Tous les plats étaient rangés dans la salle des Cent Suisses, et les princes de la famille royale allaient les chercher. Le cortège était conduit par M. le prince de Condé, grand maître de la maison du roi, ayant en main son bâton enrichi de diamants et un superbe bouquet. Venaient ensuite le premier maître de l’hôtel et tous les maîtres d’hôtel, avec leurs grands bâtons garnis de velours et de fleurs de lis d’or, portant également des bouquets. Après venait Monsieur portant des petits pains sur un plat de terre. M. le comte d’Artois portait une petite cruche de grès pleine de vin et une petite tasse. Les autres princes portaient chacun un plat en terre contenant les mets les plus recherchés en poissons et en légumes, mais froids. Il y en avait douze pour chaque enfant ; et si les princes n’étaient point assez nombreux pour les porter, les gentilshommes ordinaires y suppléaient. Le roi prenait chaque plat, le remettait au grand aumônier, qui le donnait aux parents de l’enfant. Ceux-ci avaient de grands paniers exprès, et en sortant ils vendaient ce repas à qui le leur voulait acheter. Comme les poissons étaient très-beaux, les légumes apprêtés avec soin, chacun s’empressait de se procurer une part d’apôtre, invitant ses amis à venir la manger. Le bouquet y était toujours compris, et ce n’était pas ce qu’il y avait de moins précieux. Il est même difficile de comprendre comment on pouvait, dans une pareille saison, se procurer une aussi grande quantité de jacinthes, de narcisses, de jonquilles, même de roses et de lilas.