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SOUVENIRS D’UN PAGE.

bienfaits, la déchiraient dans la personne du souverain.

Louis XVI fut un bon roi. Il vécut malheureusement dans un temps où ses vertus mêmes devaient l’entraîner à sa perte, et où les défauts reprochés à tant de souverains, défauts dont il n’était que trop exempt, eussent sauvé la monarchie et l’eussent préservé lui-même de son triste sort. D’ailleurs, en admettant qu’il eût des défauts, pourquoi méconnaître qu’ils étaient la suite de qualités précieuses ? et parce qu’elles sont sur le trône, pourquoi les vertus n’auraient-elles plus droit au respect dont on les entoure dans les simples particuliers ? Si l’on veut être juste, il faut donc convenir que Louis XVI n’a succombé que par trop de bonté et que s’il eût eu la tenace volonté et les violences d’un despote, son trône n’eût point été renversé. Au reste, il nous a montré, dans la chute la plus étonnante dont l’histoire fasse mention, l’exemple d’un courage, d’une résignation au-dessus des forces humaines.

À un caractère timide, fruit d’une éducation négligée, ce prince joignait une telle bonté de cœur que, dans ce siècle d’égoïsme, on ne le vit en aucune circonstance, pas même au moment du danger, mettre son intérêt personnel en balance avec celui de ses sujets. Mal conseillé, il ne vit pas que toute attaque faite à la majesté royale retombait sur la monarchie, et que le bonheur et la gloire du royaume tenaient à la gloire de son représentant. De là les nombreuses circonstances où un peu de sang justement répandu aurait pu nous préserver de tant de troubles, mais où Louis XVI aima