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SOUVENIRS D’UN PAGE.

tageait, et c’en était assez pour le faire mal juger par quelques hommes superficiels qui, dans ce siècle si vanté de lumières et de sagesse, s’obstinaient toujours à juger leurs souverains d’après leur extérieur, et à compter pour rien les qualités de leur âme.

Louis XVI avait la jambe très-forte, mais belle. Sa figure était agréable ; mais ses dents, mal rangées, rendaient son rire peu gracieux. Ses yeux, qu’aucun peintre n’a jamais pu rendre avec vérité, avaient, malgré cette couleur claire que la mode avait consacrée sous le nom d’œil de roi, une douceur et une bonté qu’on n’apercevait pas d’abord, parce que sa vue myope l’empêchait de regarder avec assurance.

L’éducation de Louis XVI avait été entièrement négligée après la mort de son père ; mais il l’avait perfectionnée lui-même. Exempt de grandes passions, il se délassait d’un exercice violent par quelques heures d’étude. Il lisait prodigieusement. On sait que peu de jours avant sa mort, récapitulant le nombre de volumes qu’il avait lus pendant quatre mois de captivité, il en compta plus de deux cent cinquante. C’est à force de travail qu’il était parvenu à connaître à fond les lois du royaume et l’histoire des différents peuples, à posséder la géographie au plus haut degré de perfection, et à devenir même, par l’étude de plusieurs langues étrangères, un assez bon littérateur. On connaît sa traduction de l’anglais de Richard III, par Horace Walpole ; et cet ouvrage n’est pas sans mérite. C’était à lui seul qu’il devait tous ses talents. Et voilà pourtant