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BALS DE LA REINE.

couverts, et l’on s’y réunissait avec sa société. Les valets de pied du roi et de la reine servaient. Les mets les plus recherchés et les plus délicats y étaient offerts avec profusion. La famille royale soupait souvent au bal, le roi n’y arrivait qu’après avoir soupé à neuf heures, dans ses appartements. Il y restait jusqu’à une heure, et allait se coucher, après avoir fait un tric-trac dans un petit salon destiné à ce jeu. Ce prince, ami des mœurs et de toute régularité, n’aimait pas qu’on jouât gros jeu. Rarement s’exposait-il à perdre plus de deux louis dans une soirée. À un de ces bals, quatre jeunes gens dont j’ai oublia les noms, excepté celui du jeune Belzunce, massacré à Caen durant la Révolution, firent une partie un peu forte au billard. Le roi entra dans la salle et leur demanda pourquoi ils ne dansaient pas ; ils répondirent qu’ils se délassaient un instant, et assurèrent le roi qu’ils jouaient petit jeu. On apprit le lendemain que la perte s’était élevée à quinze ou dix-huit cents louis, et le roi exila les quatre jeunes gens à leur régiment.

Malgré la simplicité et la bonhomie de Louis XVI, son rang et ses vertus en imposaient toujours un peu. Il se retirait de bonne heure parce qu’il savait qu’une fois parti le bal s’égayerait et s’animerait davantage. L’étiquette devenait moins sévère ; les vieux jeunes gens qui se trouvaient trop âgés pour se mêler à ces plaisirs, se permettaient alors une contredanse ou une colonne anglaise. On les reconnaissait à leur tête nue ; car ils étaient censés ne pas être venus pour se livrer