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Page:France d’Hézecques - Souvenirs d’un page de la cour de Louis XVI.djvu/245

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SOUVENIRS D’UN PAGE.

à la danse, et ne s’étaient point habillés en conséquence.

La reine, Madame Élisabeth, M. le comte d’Artois, le duc de Bourbon, qui déjà ne dansaient plus, le faisaient alors une fois par extraordinaire, et jamais, à la cour, on ne vit régner plus de décence, et en même temps plus de franche gaieté.

Les meilleurs danseurs de ce temps étaient MM. de l’Aigle, qui se sont vu surpasser depuis, parce que cet art frivole est devenu l’objet d’une étude suivie, qu’il demande de la jeunesse et de l’exercice, et qu’il s’était écoulé plus de vingt ans depuis leurs premiers succès. La danseuse par excellence était madame d’Agoult, ou mademoiselle de Bellemont, qui, depuis, abandonna son mari pour le conventionnel Rovère, qu’elle voulut aller retrouver jusque dans les marais de la Guyane ; mais n’y ayant pu recueillir que ses cendres, elle le remplaça bien vite, non pas par M. d’Agoult, mais par le capitaine du vaisseau anglais qui la portait… Ô mœurs !…

Le point du jour mettait fin à ces nuits brillantes. Nous reconduisions les dames à leurs voitures, après leur avoir présenté des bouillons et des restaurants, et nous, les poches pleines de bonbons et d’oranges, débris du magnifique souper qu’on nous servait, nous allions chercher le repos que nous avions bien gagné. Il arrivait même parfois que le bruit et le plaisir ne suffisaient point à empêcher plusieurs pages de succomber au sommeil.