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SOUVENIRS D’UN PAGE.

original ; mais je lui ai connu un pendant dans un certain capitaine Laroche, concierge de la Ménagerie.

On peut dire que, sans en avoir tout l’esprit, ce capitaine remplaçait à la cour les anciens fous de nos rois. De tout temps, quelques originaux ont servi aux amusements des princes. Nous voyons dans les Mémoires de Saint-Simon, qu’une certaine dame Panache divertissait toute la cour, emportant les débris des festins qu’on lui fourrait dans les poches, y entassant pêle-mêle entremets, desserts et rôtis, et qu’on mettait en colère le plus que l’on pouvait. Le capitaine Laroche, bien galonné et aussi chargé de bagues et de diamants qu’un financier, était l’être le plus sale qu’on pût rencontrer, et jamais sanglier dans son bouge ne laissa échapper d’odeurs aussi fétides. C’était à qui agacerait le capitaine, et son mot favori : « N’en parlons plus, » faisait rage en ce temps-là, comme aujourd’hui les calembours les plus à la mode. Avant que Louis XVI éprouvât tous les chagrins dont il fut abreuvé, il se divertissait très-souvent avec Laroche, toujours fort exact au coucher. Il s’établissait alors, entre les pages de service et le capitaine, une lutte très-plaisante qui aboutissait à l’enlèvement de sa perruque que l’on jetait sur le ciel du lit ; mais le capitaine, en guerrier prudent, avait toujours dans ses poches de quoi réparer ses pertes. C’était à qui inventerait des niches pour faire enrager ce pauvre diable, qui s’en consolait aisément avec de bonnes places et de bonnes pensions. Enfin, le roi étant devenu plus triste, et le