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MINISTRES.

texte aux premiers excès de la révolution, il tomba dans le mépris ; et, après avoir lutté un an encore contre l’opinion publique, il retourna en Suisse, à son château de Coppet, pour s’y nourrir de ses remords qui devaient être d’autant plus déchirants que l’ambitieux redoute l’obscurité et que la haine de la France l’y avait condamné.

Je le vis, dans le mois de juillet 1789, revenir à Versailles après en avoir été expulsé. La crainte plutôt qu’une nécessité véritable avait forcé son souverain a le rappeler. La reine ne l’aima jamais ; cette infortunée princesse avait une justesse d’esprit qui l’empêcha toujours d’être la dupe du charlatanisme de Necker. De retour à Versailles, il voulut faire une entrée triomphale dans Paris, sous le prétexte d’aller remercier l’assemblée des électeurs de l’intérêt qu’elle lui avait porté. Sa marche fut, en effet, un triomphe populaire ; mais le retour en fut plus amer. Vainement demanda-t-il la liberté de son ami et compatriote, le baron de Besenval, arrêté comme conspirateur ; il ne put l’obtenir. Je le vis revenir ; il était triste et pensif au fond de sa voiture. Il réfléchissait sans doute à sa position, s’apercevant, mais trop tard, qu’il n’était que le prétexte d’un bouleversement général dont il serait peut-être une des victimes. Son renvoi en 1789 avait mis la France en feu ; son départ en 1790 fit si peu de sensation qu’il me serait difficile d’en fixer l’époque précise ; tant il est vrai que toute idole encensée par le peuple repose sur un pied d’argile, et que le plus léger choc la peut renverser.