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SOUVENIRS D’UN PAGE.

La conduite de Necker envers Louis XVI fut une suite d’ingratitudes ; et cet homme, du fond de ses montagnes, a osé élever la voix pour le défendre, pour le soustraire à l’échafaud, lorsqu’il lui en avait ouvert le chemin ! À même d’apprécier mieux que personne les vues droites et les vertus domestiques de ce prince, il fut le premier à se réjouir de son infortune. Le silence effrayant de la nuit du 5 octobre, la douleur des fidèles amis du roi, n’étaient interrompus que par l’affreux ricanement de la fille de Necker, de madame de Staël[1]. Madame Necker elle-même, malgré sa charité, ses fondations et ses œuvres de bienfaisance, partagea les torts de son mari ; et, comme le démon de l’orgueil et de l’écriture agitait toute cette famille, elle a voulu consacrer par ses ouvrages son respect pour les opinions de son mari, son acquiescement à toutes ses idées. Le Ciel avait imprimé dans tout son être l’agitation qui bouleversait la tête de son époux, qui était son idole, car de violentes attaques de nerfs faisaient de sa personne un mouvement perpétuel. À peine assise, elle devait céder à l’impulsion donnée à toutes ses fibres, et se relever pour reprendre son fatigant balancement. Je l’ai vue au spectacle, toujours debout dans une loge grillée, ne cesser de s’agiter pendant trois heures entières. Madame Necker, de son nom mademoiselle Curchod, devait d’abord épouser

  1. Telle est, en effet, l’attitude que les passions du temps prêtèrent à madame de Staël. Combien ces allégations furent injustes, aujourd’hui tout le monde le sait. (Note des éditeurs.)