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SOUVENIRS D’UN PAGE.

réunis ne pouvaient se comparer à ceux que Dieu nous réservait dans sa colère. C’était sur la terre même qu’il voulait prendre les instruments de sa vengeance.

Les événements qui préparèrent cette fameuse journée du 14 juillet sont assez connus. On sait combien la cour avait de moyens pour réprimer les excès des États généraux et les mouvements populaires. Versailles était rempli de troupes encore fidèles. Les régiments de Bouillon et de Nassau occupaient les routes de l’Orangerie ; nos manéges étaient remplis de troupes suisses ; les cours des écuries, de hussards au bivouac ; à Paris, à Saint-Denis, dans tous les environs se trouvaient également des forces considérables, animées du même esprit. Il n’y avait qu’un mot à dire, et bientôt les factieux eussent été dispersés et la révolte apaisée. Mais les perfides conseillers du malheureux monarque, loin de provoquer cette résolution, lui représentèrent la France baignée dans le sang de ses enfants et livrée à toutes les horreurs de la guerre civile. Au lieu de montrer à ses troupes aussi fidèles que braves leur monarque chéri, on le tenait renfermé dans son palais, dont l’accès était interdit même aux officiers.

Tous les soirs, une société nombreuse se rendait à l’Orangerie ; le bruit de la musique militaire, le parfum des orangers, plus suave encore dans le calme d’une belle soirée d’été, ce contraste, en un mot, d’un camp au milieu d’un palais, tout y attirait les curieux. J’y vis un soir le maréchal de Broglie avec sa famille ; il venait d’être nommé général de toutes ces troupes,