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SOUVENIRS D’UN PAGE.

Depuis longtemps les chefs de la Révolution, ou plutôt d’un des partis qui se réunissaient pour renverser le trône, ne différant que sur leurs projets ultérieurs, voyaient avec peine le roi à Versailles. D’un instant à l’autre le monarque pouvait leur échapper, et les orléanistes ne croyaient point leur besogne assez avancée ni la France assez corrompue pour espérer que la nomination de leur chef à une régence ne donnât pas lieu à quelque soulèvement dans les provinces. L’imbécile La Fayette, qui se berçait avec complaisance de l’idée d’une lieutenance générale, d’un protectorat, voulait sa victime à Paris, et les deux partis pensaient que plus les mouvements populaires se multiplieraient, plus la vie du prince serait en danger. Il fallait un prétexte pour opérer une nouvelle insurrection qui mettrait le roi dans la tombe ou dans les fers ; il fut bientôt trouvé.

D’Orléans commença à resserrer davantage les immenses provisions de grains qu’il avait amassées. Or, la disette à Paris est le moyen le plus infaillible d’exciter les esprits ; aussi de tout temps le gouvernement s’est-il appliqué à maintenir l’abondance dans cette grande cité. La désertion des gardes françaises avait nécessité la formation d’une autre garnison pour le service extérieur. On fit venir du nord le régiment de Flandres. Je ne sais qui décida ou provoqua ce choix, mais il était malheureux ; car si le régiment était animé d’un bon esprit, le colonel était vendu au parti d’Orléans et figurait au côté gauche de l’assemblée où sié-