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28 FÉVRIER.

mission de nous laisser sortir ; mais, malgré ce sauf-conduit, nous fûmes obligés de traverser cette foule d’enragés, au milieu de bourrades, de coups et d’insultes. Le vieux maréchal de Mailly, peu ingambe, fut, malgré son grand âge, un des plus maltraités. Chacun se retira, indigné de la conduite perfide de M. de La Fayette.

Nous occupions une maison située sur l’emplacement où est aujourd’hui percée la rue ***. À onze heures je retournai au château. Tout était calme à l’intérieur. Mais le lendemain on renouvela les cartes d’entrée, et l’on ne parvenait plus au château qu’avec de grandes difficultés.

Telle fut la fameuse conspiration des chevaliers du poignard. Si quelqu’un s’était proposé là un but et y arriva, ce fut seulement M. de La Fayette. Cet événement ramena les soupçons sur le roi et contribua à resserrer sa prison. Il ne fut plus possible de douter des intentions qu’on avait eues lorsque, le 19 avril suivant, le roi étant au moment de partir pour Saint-Cloud, ces mêmes bataillons l’arrêtèrent dans la cour des Tuileries, et, après l’avoir outragé pendant trois heures dans sa voiture et maltraité tous ceux qui l’entouraient, on le contraignit de rester dans son palais.

L’affaire du 28 février épouvanta nombre de fidèles sujets du roi, qui prirent la fuite. Les plus courageux restèrent, désignés dès lors aux fureurs populaires. La Fayette pouvait prévoir que le roi, outré de tant d’insultes, tenterait de s’enfuir, et c’était un prétexte pour le surveiller de plus près.