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Page:France d’Hézecques - Souvenirs d’un page de la cour de Louis XVI.djvu/365

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SOUVENIRS D’UN PAGE.

C’est la dernière scène dont je fus témoin à la cour, que je quittai six semaines après.

Peu avant mon départ, passant le matin dans la rue Montmartre, près la rue Tiquetonne, un homme me saisit au collet et me tint une infinité de propos sur mon uniforme, sur le roi et la reine. Le peuple s’attroupa. Trop faible pour me débarrasser de cet homme, j’entendais murmurer autour de moi les mots d’aristocrate, de royaliste, et je commençais à être assez embarrassé de ma personne, quand un particulier très-vigoureux me sépara de mon ennemi et me donna le temps d’échapper. Nous étions sans cesse exposés à de pareilles scènes, surtout dans les spectacles. Deux de mes camarades, MM. de Laroque et Swinburn, furent assaillis en sortant du théâtre du Vaudeville, rue de Chartres. Laroque s’esquiva, mais Swinburn fut traîné dans le ruisseau, et reçut des blessures très-graves à la tête. En parlant tout à l’heure du départ du roi, j’aurai l’occasion de faire voir que tous mes camarades coururent les mêmes dangers. Le 10 août, deux seulement restaient au château au moment de l’attaque. C’étaient MM. de Sarazin et Boisfremont. Ils se sauvèrent avec beaucoup de peine, en prenant les habits des marmitons des cuisines. Les autres, dès le commencement de l’affaire, s’étaient retirés chez notre apothicaire, M. Le Houx de Clermont, rue Saint-Honoré, près le Palais Royal, et ce brave homme les préserva de la fureur populaire, au péril de ses propriétés et de sa vie.