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SOUVENIRS D’UN PAGE.

la baronne de Stegleman et chez sa fille, la baronne de Korff, qui prêtèrent leurs noms et leurs passeports aux illustres fugitifs. Et depuis, je me suis rappelé que les visites étaient souvent interrompues par des conférences secrètes entre ces dames et le comte.

On ne peut se dissimuler que ces longs préparatifs et ces précautions multipliées contribuèrent à faire découvrir à M. de La Fayette les projets du roi. Il est certain qu’au moment du départ, — et la reine l’a consigné dans sa déclaration, — La Fayette était sur le Carrousel, et que sa figure hypocrite, où brillait une maligne joie, avait, la veille, frappé Madame Royale, qui l’avait fait observer à sa famille. Baillon, un des aides de camp de La Fayette, était à Châlons avant le roi. Gouvion, major général de la garde parisienne, craignant l’indiscrétion de la sentinelle, resta toute la nuit dans le corps de garde de la porte par où le roi devait sortir, et sa conduite, qui pouvait être examinée, puisqu’il était chargé de la garde des Tuileries, fut justifiée par La Fayette qui, à la barre de l’Assemblée nationale, prit tout sur sa responsabilité. La Fayette était prévenu de tout par une femme de chambre de la reine. Mais il voulait laisser le roi s’éloigner de Paris, afin de rendre son retour plus accablant, et sa prise, due à ses soins, plus éclatante. Quels étaient ses projets ultérieurs ? on ne peut le deviner ; mais il est à croire qu’il espérait, en faisant prononcer la déchéance, faire couronner le dauphin et se faire nommer lui-même lieutenant général du royaume, car, brouillé depuis