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SOUVENIRS D’UN PAGE.

qu’était-il besoin de rechercher les preuves d’un attentat direct contre sa vie ? Cette mort n’était-elle pas la suite des douloureuses privations, de l’abandon le plus absolu, des ignobles traitements qu’on lui avait fait subir et dont on pouvait prévoir les conséquences ? n’était-ce pas là un véritable empoisonnement, plus horrible et plus long que celui qu’eût produit une dose de laudanum ? Mais ce qu’il y a de plus triste pour la France, c’est que l’infamie de ce long martyre moral retombe tout entière sur la généralité des membres de la Convention, puisque la mort du Dauphin suivit de plus d’un an celle de Robespierre.

La douceur et l’amabilité de cet enfant devaient cependant, il semblait, désarmer ses bourreaux. Tous ceux qui l’ont approché se rappelleront toujours avec bonheur la candeur de sa figure, la beauté de son teint et de sa longue chevelure blonde, et surtout son attention charmante à suivre des yeux, à Paris, les mouvements de ses parents, pour adresser un sourire ou un salut plus ou moins gracieux à ceux que la famille royale regardait en ces jours malheureux comme ses plus fidèles serviteurs.

Madame Royale, quoique très-petite pour son âge, avait la dignité de port et la fierté d’attitude de sa mère. Cette fierté autrichienne s’était tellement développée en elle dès sa première enfance, qu’on s’était vu obligé d’y remédier et de chercher à l’en corriger. Un des moyens que l’on reconnut les plus propres à atteindre ce but, fut de lui donner une petite compagne de son