Aller au contenu

Page:France d’Hézecques - Souvenirs d’un page de la cour de Louis XVI.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
56
SOUVENIRS D’UN PAGE.

dit : « Qu’on se rappelait que Monsieur s’était montré le premier citoyen du royaume en votant pour le tiers état ; qu’il était l’auteur de l’égalité ; qu’il en donnait l’exemple. » C’était le 26 décembre au soir que Louis XVIII faisait cette démarche humiliante ; il brisait ce jour-là les dernières marches qui pouvaient le conduire au trône d’Henri IV ; il s’aliénait la France et se détrônait lui-même.

Je ne suivrai point l’affreux et inique procès du malheureux Favras ; il est du domaine de l’histoire. Dans une mort ignominieuse, il donna à toutes les victimes qui devaient le suivre l’exemple d’une piété, d’une résignation et d’un courage que l’innocence et la religion seules peuvent inspirer.

J’ai vu souvent à Paris, en 1800, une de ses sœurs sollicitant sa radiation de la liste des émigrés ; et comme le temps change les choses, le nom de Favras était une des recommandations qu’elle mettait en avant pour obtenir la justice du gouvernement consulaire.

Monsieur était très-gros, mais il n’avait point cet embonpoint qui caractérise la force et la vigueur, comme était celui de Louis XVI. Il avait un tempérament malsain qui l’obligeait, déjà jeune, à recourir aux potions pharmaceutiques pour rétablir la circulation du sang et l’écoulement des humeurs.

Cet état maladif s’était encore augmenté par le défaut d’exercice. Sa mauvaise tournure le rendait peu propre à monter à cheval ; il y était très-maladroit. Jamais prince n’eut une démarche plus disgracieuse ;