Page:Francis de Miomandre - Écrit sur de l'eau, 1908.djvu/129

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cet air résigné qui transfigure les victimes du Destin lorsqu’elles sont supérieures à ce qui les écrase. Il crut devoir dire, avec élégance :

— Ce n’est pas la première fois qu’on me refuse mes vers. Ce ne sera point, je pense, la dernière.

— Ah ! tenez ! dit Eucrate, ne parlons plus de tous ces gens-là, voulez-vous ? Nous sommes entre artistes, entre dilettantes. Il y a de ces sujets de conversation qu’un homme d’esprit refuse.

Mais Paolo Mercanti n’avait point le temps de parler d’autre chose. Il lui tardait de faire d’autres visites, d’aller ailleurs enchanter d’autres âmes avec les allitérations de Murmures dans la Nuit. Il s’excusa de quitter sitôt des amis aussi bienveillants, aussi compréhensifs, pour des salons bourgeois dont le niveau intellectuel… mais ce n’était pas certes son plaisir.


Quand il fut parti, Jacques sembla rêver…

— Il est très gentil, ce garçon…

— Vous voudriez peut-être qu’il fût malfaisant, aussi ! protesta Ludovic.

— Il n’existe pas, dit Eucrate.

— Si c’est tout ce que vous avez à nous proposer en fait de distractions, se plaignit Norbert, nous ne reviendrons plus.

— Et où iriez-vous le jeudi ?

— C’est vrai, approuva Eucrate, où irions-nous le jeudi ? Comme l’a dit un personnage de mon plus beau dialogue philosophique : « on a beau vouloir être ailleurs, il faut toujours aller quelque part. » Du reste, je trouve que nous ne nous voyons pas assez souvent. On finit par ne plus savoir à quel mot de la conversation on en était resté, quand on se rencontre. Ainsi, le lundi, vous venez