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620 CYTHÉNAS

plaisir et à la peine, il n’y a qu’une seule règle possible, c’est de chercher l’un et d’éviter l’autre. Mais les plaisirs sont de diverses espèces. Il y a les plaisirs des sens et les plaisirs de l’esprit il faut préférer les plaisirs des sens. Il y a aussi le plaisir présent que la passion réclame et le plaisir éloigné que poursuit l’espérance : il faut préférer le plaisir présent. Cela est clair et positif.

Restent les conséquences ; elles éclatent d’elles-mêmes pendant la seconde période. Théodore l’athée, disciple du second Aristippe, s’autorisant de ce principe, que nous connaissons nos sensations, mais non pas leurs causes, oblige le sage à se concentrer en lui-même, traite de folies l’amitié et le patriotisme, nie l’existence du monde avec l’existence de Dieu, et arrive au plus grossier égoïsme par un système complet d’indifférence morale et religieuse. Deux de ses disciples, Bion et Évhémère, tournent ces doctrines contre la religion établie. Et, pour aller jusqu’au bout, Hégésias, étonné qu’un être fait pour le plaisir soit en proie à tant de misères, déclare que la vie n’a aucun prix, et prêche ouvertement le suicide. C’est en vain qu’Anniceris, le dernier des cyrénaïques, se révolte contre ces effrayantes theories et sépare son école de celle d’Hégésias pendant que, par une honorable inconséquence, il parle de délicatesse et de vertu ; pendant qu’il s’efforce de réhabiliter toutes les nobles affections de l’âme, l’école cyrénaïque perd entre ses mains la seule originalité à laquelle elle puisse prétendre, et se confond désormais avec l’école épicurienne.

Ainsi, l’école de Cyrène, fondée, comme l’école cynique, dans les premières années du IVe siècle avant notre ère, disparaît comme elle un siècle plus tard, lorsqu’une école nouvelle s’est emparée de ses principes et les a rendus plus applicables en les tempérant. Au fond, malgré le nombre des sectes dont elle est la mère, malgré les noms sonores d’annicerites, d’hégésiaques, de théodoriens, l’école de Cyrène n’a eu, comme l’école cynique, qu’une influence restreinte. En un siècle elle ne produit ni un seul grand ouvrage ni un seul grand homme ; elle n’attire guère à elle que des habitants de Cyrène, et sa doctrine, pendant trois générations semble n’être qu’une tradition de famille. L’isolement de Cyrène jetée entre les sables et la mer à l’extrême limite de la civilisation grecque, explique en partie cette impuissance ; mais la cause principale en est ailleurs elle est dans la nature humaine, qui réprouve tous les excès, qui se rit de toutes les extravagances, aussi éloignée de l’abjection de la doctrine du plaisir que de la folie d’un rigorisme qui défend jusqu’à l’espérance.

Pour la bibliographie, voy. les noms des principaux cyrénaïques. D. H.


CYTHÉNAS, plus exactement appelé Saturnin Cythénas, fut, selon le témoignage de Diogène Laërce (liv. IX, ch. cxvi), le disciple de Sextus Empiricus, et suivit, comme son maître, l’école empirique. Nous ne savons rien de plus de sa vie et de ses opinions. X.

FIN DU PREMIER VOLUME. Paris. - Imprimerie Panckouke, rue des Poitevins, 12