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CYRÉNAÏQUE (ÉCOLE).

estime, s’expliquent par les antécédents et la condition des cyniques. Antisthène, pauvre et né d’une mère thrace, était exclu de toutes les fonctions publiques. Diogène, fils de faux-monnayeurs, faux-monnayeur lui-méme avait été chassé de sa ville natale. Cratès était difforme et contrefait. Maxime avait été le domestique d’un banquier. Ménippe était esclave. Disgraciés des hommes et de la fortune, tous ces malheureux ne devaient-ils pas en appeler des lois de la société à celles de la nature, devant lesquelles pauvres et riches sont égaux ? Durs et durement élevés, ne devaient-ils pas s’indigner contre la mollesse de leur siècle et faire de la volupté divinisée par une autre école (Voyez Aristippe et Ecole Cyrénaïque) source de tous les maux ? Mais, en même temps, au milieu d’une société élégante et polie, cet étroit rigorisme était à jamais frappé d’impuissance. Pendant le premier siècle de son existence, l’école cynique a eu trois chefs remarquables Antisthène, Diogène, Cratès. Voici leur histoire : Antisthène, objet de la risée publique, n’a laissé, en mourant, qu’un seul disciple. Diogène, le plus distingué des cyniques, n’est pour Platon qu’un Socrate en délire. Cratès a produit Zénon. Zénon a porté à la doctrine cynique un coup mortel. Il l’a rendue impossible en la tempérant. Après lui, l’école cynique se traîne sans gloire pendant un demi-siècle, et finit par disparaître. Au temps des empereurs, elle renaît à Rome, représentée par quelques hommes obscurs, esprits malades pour qui le stoïcisme est une faiblesse, et dont l’austérité tout extérieure touche de près au charlatanisme. Durant tant de siècles, quelques traits de vertu, pas un ouvrage remarquable, pas un écrit que l’on puisse citer.

Sur les cyniques en général, il faut consulter Diogène Laërce, liv. VI, ch. 103, les Histoires de Tennemann et de Ritter, et surtout les dissertations suivantes : Richteri, Dissert, de cynicis, in-4, Leipzig, 1701 ; Meuschenii, Disput. de cynicis, in-4o, Kel, 1703 ; Joecheri, Progr. de cynicis nulla re teneri volentibus, in-4, Leipzig, 1743 ; Mentzii, Progr. de cynismo nec philosophio nec homine digno, in-4, ib., 1744. Pour la bibliographie de chacun des cyniques, voy. leurs noms. D. H.


CYRÉNAÏQUE (ÉCOLE). Pendant qu’Antisthène s’établissait dans le Cynosarge, un autre disciple de Socrate fondait à Cyrène, colonie d’Afrique, une autre école aussi exclusive que l’école cynique et destinée à la contredire sur tous les points. L’histoire de l’école cyrénaïque se divise en deux périodes.

Au commencement de la première, Aristippe, un ami de la volupté, un homme de cour, égare parmi les socratiques, enseigne que le plaisir est le seul bien, que le seul mal est la douleur, et se comporte en conséquence. Arété, sa fille, recueille cette doctrine et la transmet à son fils Aristippe le jeune, qui érige en système de morale les idées éparses de sa mère et de son aïeul (Aristote, Ap. Euseb. Proep. evang., lib. XIV, c. XVIII). Rien de plus facile à résumer que ce système : sa base est, comme toujours, dans la psychologie. L’esprit, dit-on, connaît les diverses modifications qu’il éprouve, mais non les causes de ces modifications. Par conséquent la morale ne doit tenir compte que des divers états de notre âme, c’est-à-dire de la peine et du plaisir, Or, relativement au