mer ainsi, intervenir en personne pour la défense
de ses intérêts ou de ses droits. Il faut
donc qu’il existe, sous toutes les formes de
gouvernement possibles, des individus ou des
corps qui exercent, près des simples citoyens,
les droits de la nation tout entière, et se trouvent,
par là même, investis de toute sa puissance :
ce sont ces intermédiaires entre le corps
social et les différents éléments dont il se compose
qui forment ce qu’on appelle les pouvoirs
publics.
Il n’y a donc de pouvoir légitime que celui qui s’exerce au nom et dans l’intérêt de la société, par conséquent, qui tient de la société elle-même ses titres et son mandat. On distingue généralement trois pouvoirs dans l’État : le pouvoir législatif qui fait les lois ; le pouvoir exécutif qui a pour mission de les faire observer dans leur ensemble et par la société tout entière ; enfin le pouvoir judiciaire qui les applique à tous les cas particuliers, qui en est l’interprète dans les affaires litigieuses. Pour remplir leur destination respective, il faut que ces trois pouvoirs demeurent parfaitement distincts ; les réunir, c’est les détruire au profit du despotisme.
De la nature de ces divers pouvoirs on déduit sans peine leurs devoirs et leurs droits ; et de la constitution générale de la société, du but qui lui est proposé, des conditions de son existence, découlent les devoirs des citoyens envers l’État. Ces devoirs peuvent se résumer en un seul : le défendre et le servir par tous les moyens en notre pouvoir, même au prix de notre vie, car nous lui appartenons tout entiers avant d’appartenir à la famille et à nous-mêmes. (Pour plus de détails, voy. État.)
4o L’État une fois constitué, il devient une personne morale qui a ses devoirs, ses droits et sa responsabilité : car, comment mettre en doute un seul instant que ce qui est juste ou injuste pour chacun de nous ne le soit pas pour la société entière ou pour le gouvernement qui agit en son nom ? Comment supposer qu’en agissant au nom de la société, nous cessons par cela même d’être libres et responsables ? Les rapports d’un État à un autre sont donc soumis aux mêmes lois, relèvent des mêmes principes que ceux qui existent entre les individus. Ces lois, comme nous l’avons dit, conservent leur empire jusqu’au milieu de la guerre : car alors même qu’une nation est condamnée à prendre les armes pour faire respecter son indépendance ou pour toute autre cause non moins légitime, elle reste toujours soumise à des règles de justice, de bonne foi et d’humanité, qu’elle ne saurait violer sans se couvrir d’infamie. Mais des nations civilisées ne peuvent pas vivre dans l’isolement, attendant pour se défendre qu’on vienne les attaquer chez elles, et ne portant aucun intérêt à ce qui se passe hors de leur sein ; pour conserver son indépendance, il faut que chacune d’elles veille à celle des autres, que les plus faibles s’unissent contre les plus fortes, que les plus fortes protègent les plus faibles ; enfin que toutes ensemble, tant pour se protéger réciproquement que pour échanger les fruits de leurs génies, de leurs industries, de leurs territoires respectifs, se réunissent dans une société plus générale, sans abdiquer leur ei opre. C’est vers ce but, déjà à moitié réalisé par les congrès diplomatiques et la similitude des gouvernements européens, que tendent de plus en plus les efforts de l’humanité. (V<>y. Destinés HUMAINS.)
III. En montrant quels sont les principes et les véritables problèmes de la morale, nous
avons jugé d’avance les systèmes par lesquels
cette science est aujourd’hui représentée dans
l’histoire de la philosophie. D’abord la plupart
de ces systèmes ne s’occupent guère que des devoirs
de l’homme et gardent le silence sur ses
droits. Aussi a-t-on essayé, pour combler cette
lacune, de former à côté de la morale une autre
science qu’on a appelée du nom de droit naturel.
Mais cette distinction est tout à fait vaine, car
ce qui est un droit pour moi est un devoir pour
mes semblables, et réciproquement ; les uns ne
peuvent rien exiger que les autres ne soient
obligés d’accorder. La loi morale est indivisible
de sa nature, et l’on ne réussira à la comprendre
qu’en l’étudiant à la fois sous ses deux faces.
Un autre reproche qu’on peut adresser à la plupart
des systèmes de morale, et surtout à l’enseignement
de la morale tel qu’il existe dans
nos écoles, c’est qu’ils ne s’appliquent qu’à
l’homme considéré d’une manière abstraite, et
semblent oublier la société, ou du moins les institutions
sans lesquelles la société elle-même
serait une pure abstraction : par exemple, la famille
et l’État. Qu’est-il arrivé de là ? C’est qu’à
côté ou en opposition de la morale des philosophes
exclusivement occupés de l’homme, et accusés
pour cette raison d’aberration et d’impuissance,
on a eu la prétention d’élever une autre
science ayant pour unique objet la société, et
désignée sous le nom de socialisme. Mais s’il est
difficile de se faire une idée exacte des devoirs,
des droits et des facultés de la nature humaine,
lorsqu’on ne les suit pas dans leur réalisation et
leur développement à travers les institutions sociales,
c’est une entreprise tout à fait impossible
de vouloir, même en théorie, organiser la
société quand on ne connaît pas l’homme en
lui-même, lorsqu’on n’a jamais essayé de lire
dans sa conscience. C’est à la môme science,
c’est-à-dire à la morale, qu’il appartient d’étudier
à la fois les lois de l’individu et les fondements
sur lesquels repose la société. C’est pour
avoir méconnu cette vérité que la morale exerce
encore si peu d’influence sur les opinions politiques,
et que celles-ci, dépourvues de toute base
solide, atteignent souvent jusqu’aux dernières
limites de la violence et du délire. Ce que nous
disons de la politique proprement dite est vrai
aussi, dans une certaine mesure, de l’économie
politique, à laquelle le philosophe, le moraliste
ne sauraient rester étrangers : car il existe une
étroite relation entre le bien-être matériel de
la société et son développement moral ; chacune
des lois de la conscience, et par conséquent
chacun des efforts que nous avons faits pour
nous en rapprocher, comme chacune des erreurs
ou des passions qui nous en éloignent, a
des conséquences inévitables dans la sphère de
nos intérêts. Enfin les systèmes de morale sont
tombés dans la même faute que les systèmes de
métaphysique, et, en général, que toutes les
œuvres de la réflexion humaine. Au lieu d’embrasser
dans un seul tout les divers éléments de
notre conscience, ou les mobiles si variés de
notre activité, et de les coordonner sans les confondre
sous la loi supérieure du devoir, ils en
ont fait, en quelque sorte, le partage entre eux,
et les ont montres, par une analyse partiale et
exclusive, comme autant de principes inconciliables.
Pour rester convaincu de ce lait, il ne faut
pas un grand effort de raisonnement ni d’érudition :
il suffit d’énumérer simplement les opinions
les plus célèbres que les philosophes ont
produites jusqu’à présent sur le sujet qui nous
occupe.
Les principes les plus généraux de nos déterminations, ou les sources premières d’où [[tiret|décou|lent}}