sagesse, dont nous avons déjà parlé, puis la grâce (χάρις) et la colère (ὀργή), c’est-à-dire l’amour et la force. N’est-ce point le germe de toutes ces trinités devenues plus tard si communes dans les écoles d’Alexandrie ? Pour prouver que toute sagesse vient des Juifs, Aristobule, comme un grand nombre de ses successeurs, ne se contente pas d’expliquer la Bible d’une manière allégorique, il a aussi recours à des citations falsifiées. C’est ainsi qu’il rapporte un fragment des hymnes d’Orphée, ou cet ancien poëte de la Grèce parle d’Abraham, des dix commandements et des deux tables de la loi. — Voy., pour les textes originaux, Eusèbe, Præp. evang., lib. VIII, c. ix ; lib. XIII, c. v ; et Hist. eccles., lib. VII, c. xxxii. Clem. Alex., Strom., lib. I, c. xii, xxv ; lib. V, c. xx ; lib. VI, c. xxxvii. Pour connaître sur ce sujet tous les résultats de la critique moderne, il suffira de lire Walckenaër, Diatribe de Aristobulo Judæo, etc., in-4, Lugd. Bat., 1806. Gfroerer, Hist. du christianisme primitif, 2 vol. in-8, Stuttgart, 1835, liv. II, p. 71 (all.). — Daehne, Histoire de la philosophie religieuse des Juifs à Alexandrie, 2 vol. in-8, Halle, 1834, t. II, p. 72 (all.).
ARISTOCLÈS de Messène, péripatéticien du IIe ou du IIIe siècle après J. C., fut aussi regardé comme appartenant à l’école néo-platonicienne, car il vivait précisément au temps où commença la fusion entre les deux systèmes. L’analogie de son nom avec celui d’Aristote l’a fait souvent confondre avec ce grand homme. Il écrivit une Histoire des philosophes et de leurs opinions, dont quelques fragments ont été conservés par Eusèbe dans sa Préparation évangélique. Il paraît y avoir combattu le scepticisme d’Œnésidème.
ARISTON de Chios, stoïcien du IIIe siècle avant l’ère chrétienne. Il faut le distinguer d’un autre Ariston de l’île de Céos, avec lequel on l’a souvent confondu. Disciple immédiat du fondateur de l’école stoïcienne, il entendit aussi les leçons de Polémon. S’étant éloigné sur plusieurs points de la doctrine de Zénon, il forma une secte particulière, celle des aristoniens ; mais elle n’eut point de durée, et on ne lui connaît que deux disciples fort obscurs, Miltiades et Diphilus.
Ariston rejeta de la philosophie tout ce qui concerne la logique et la physique, sous prétexte que l’une est indigne d’intérêt, et que l’autre ne traite que de questions insolubles pour nous ; il ne conserva que la morale, comme la seule étude qui nous touche directement ; encore ne l’a-t-il envisagée que d’un point de vue général, laissant aux nourrices et aux instituteurs de notre enfance le soin de nous enseigner les devoirs particuliers de la vie. Il disait que le philosophe doit seulement faire connaître en quoi consiste le souverain bien. Il n’existait à ses yeux d’autre bien que la vertu, d’autre mal que le vice ; il rejetait toutes les distinctions que d’autres stoïciens ont admises sur la valeur des choses intermédiaires. Les questions relatives à l’essence divine rentrant à ses yeux dans l’objet de la physique, il les plaçait en dehors de la portée de notre intelligence ; mais ce scepticisme, sur un point particulier de la science, ne nous donne pas le droit de l’exclure de l’école stoïcienne. Du reste, il n’enseignait pas dans le Portique, mais dans le gymnase Cynosarge, à Athènes. C’est à lui que l’on rapporte ces paroles mentionnées par Diogène Laërce, et commentées par Épictète et Antonin (Enchir.. c. xvii, § 50 ; c. i, § 8), que le sage est semblable à un bon comédien, parce qu’entièrement indifférent à tous les rapports extérieurs de la vie, il est aussi capable de jouer le rôle d’Agamemnon que celui de Thersite. Les écrits d’Ariston n’ont pas été conservés.
Voy. Cic., de Leg., lib. I, c. xiii. De Fin., lib. II, c. xiii ; lib. IV, c. xvii. Diogène Laërce, liv. VII, ch. clx et clxi. Sextus Emp., Adv. Math., lib. VII, c. xii. Stob., Serm. 78. Sen., Ep. 89 et 94.
ARISTON de Iulis, de l’île de Céos, péripatéticien qui florissait 260 ans avant J. C., disciple et successeur de Lycon. Il n’est rien resté de ses nombreux écrits, que Cicéron mentionne d’une manière peu favorable (de Fin., lib. V, c. v), et nous n’en savons pas davantage à l’égard de ses opinions philosophiques. Tout fait supposer qu’il ne s’est écarté en rien des principes de l’école péripatéticienne (voy. Diogène Laërce, lib. V, c. lxx, lxxiv ; lib. VII, c. clxiv. — Strabon, Geogr., lib. X).
Un péripatéticien du même nom vivait au siècle d’Auguste ; il était né à Alexandrie et ne se distingua par aucun caractère particulier.
ARISTOTE, le plus grand nom peut-être de l’histoire de la philosophie, si ce n’est par la valeur morale des vérités découvertes, du moins par le nombre et l’étendue de ces vérités dans le domaine de la nature et de la logique, et surtout par l’incomparable influence qu’il a exercée sur les développements scientifiques de l’esprit humain, dans l’Orient aussi bien que dans l’Occident, dans les temps modernes aussi bien que dans l’antiquité, parmi les chrétiens aussi bien que parmi les peuples croyant à d’autres religions. Aristote naquit la première année de la xcixe olympiade, c’est-à-dire 384 avant l’ère chrétienne, à Stagire, colonie grecque de la Thrace, fondée par des habitants de Chalcis en Eubée, sur le bord de la mer, au commencement de cette presqu’île dont le mont Athos occupe l’extrémité méridionale. Stagire et son petit port paraissent n’avoir point été sans quelque importance ; elle joue un rôle dans tous les grands événements qui agitèrent la Grèce, pendant l’expédition de Xerxès, pendant la rivalité de Sparte et d’Athènes, et plus tard, pendant les guerres de Philippe, père d’Alexandre. Le lieu qu’occupait jadis Stagire se nomme aujourd’hui Macré ou Nicalis, suivant quelques auteurs, philologues et géographes, ou suivant d’autres, dont l’opinion paraît plus probable, Stavro, nom qui conserve du moins quelques traces de l’antique appellation. Par sa mère Phæstis, qu’il perdit, à ce qu’il semble, de fort bonne heure, Aristote descendait directement d’une famille de Chalcis ; son père, Nicomaque, était médecin et ami d’Amyntas II, qui régna sur la Macédoine de 393 à 369. Nicomaque avait composé quelques ouvrages de médecine et de physique, et il était un Asclépiade. Il a donné son nom à une préparation pharmaceutique que Galien cite encore avec éloge. Sa haute position à la cour d’un roi, l’illustration de son origine médicale, la nature de ses travaux, influèrent certainement beaucoup sur l’éducation de son fils. Philippe, le plus jeune des enfants d’Amyntas, était du même âge à peu près qu’Aristote ; et l’on peut croire que, dès leurs plus tendres années, s’établirent entre eux des relations qui préparèrent pour plus tard la confiance du roi dans le précepteur de son héritier. Il est certain qu’Aristote n’avait pas dix-sept ans quand son père mourut. Du moins nous le voyons, avant cet âge, confié, ainsi que son frère et sa sœur, aux soins d’un ami de sa famille, Proxène d’Atarnée en Mysie, qui habitait alors Stagire. Aristote conserva pour son bienfaiteur et pour la femme de son bienfaiteur, qui sans doute lui avait tenu lieu de mère, la reconnaissance la plus vive et la plus durable. Dans son testament, que cite tout au long Diogène