Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/168

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s’est depuis engagée entre les idéalistes et les sensualistes ? 011 serait tout uu plus là-dessus ré­duit à des conjectures.

On l’accuse aussi d’avoir condamné les causes finales, et par là d’avoir affaibli les preuves de l’existence de Dieu. Joseph de Maistre, dans un ouvrage posthume, qui n’est qu’un pamphlet virulent, va bien plus loin encore ■ parce que le nom de Bacon a été invoqué par les encyclopé­distes, il fait de ce philosophe le père de toutes les erreurs, il accumule sur lui les imputations d’athéisme, d’immoralité, d’impiété ; il en fait le véritable antechrist. Tout au contraire, loin de proscrire les causes finales, B ; icon en recommande l’usage comme un des objets spéciaux de la théo­logie naturelle, et comme fournissant les plus belles preuves de la sagesse divine ; mais il ne veut pas qu’on les introduise dans la physique, qu’on les substitue aux causes efficientes, et que l’on croie avoir tout expliqué quand 011 a dit, en 11e consultant que son imagination, à quelle fin chaque chose peut servir dans l’ordre de la créa­tion. Quant à l’accusation d’athéisme, comment a-t-on pu l’adresser sérieusement à celui qui, dans ses Essais, a écrit un si beau morceau contre les athées, à l’auteur de cette belle pensée (Senn. fid., 16) tant de fois répétée : « Un peu de philo­sophie naturelle fait pencher les hommes vers l’athéisme ; une connaissance plus approfondie de cette science les ramène à la religion. « L’im­putation d’irréligion n’est pas mieux fondée ; il suffit pour la détruire de renvoyer aux Méditations sacrées de Bacon, et à sa Confession de foi, trou­vée dans ses papiers, confession tellement ortho­doxe qu’on s’étonne que celui qui l’a écrite ap­partienne à la religion réformée. L’auteur du Christianisme de Bacon, le pieux et savant abbé Eymery, ancien supérieur de Saint-Sulpice, était loin de soupçonner l’impiété du philosophe an­glais, lui qui a composé un livre tout exprès pour opposer la foi de ce grand homme à l’incrédulité des beaux-esprits du xvni’siècle.

Les œuvres de Bacon, dont une partie seule­ment avait vu le jour de son vivant, n’ont été réunies qu’un siècle après sa mort. Les éditions les plus estimées qui en aient été faites sont celle de 1730, publiée à Londres par Blackbourne, en 4 vol. in-fol. ; celle de 1740, Londres, 4 vol. in-1 ", due au libraire Millar ; celle de 1765, Lon­dres, 5 vol. in-4, magnifique et plus complète que les précédentes (elle est due aux soins de Robert Stephens ; John Locker et Thomas Birch), et celle qui a été donnée à Londres, de 1825 à 1836, en

  1. vol. in-8, par Bazil Montagu, la plus complète de toutes, avec une traduction anglaise des œu­vres latines et avec des éclaircissements de tout genre. M. Bouillet a donné une édition des Œuvres philosophiques de Bacon, 3 vol. in-8, Paris, 1834-1835 ; c’est la première qui ait paru en France ; elle est accompagnée d’une notice sur Bacon, d’introductions, de sommaires de chacun des ouvrages, et suivie de notes et d’éclaircisse­ments.

Plusieurs des ouvrages de Bacon avaient été traduits, de son vivant même, en français ou en d’autres langues ; à la fin du dernier siècle, Ant. Lasalle, aide des secours du gouvernement, fit paraître, de l’an VIII à l’an XI (1800-1803), en 15 vol. in-8, les Œuvres de F. Bacon, chancelier d’Angleterre, traduites en français, avec des notes critiques, historiques et littéraires. Celte traduc­tion si volumineuse est loin d’être complète, et elle n’est pas toujours fidèle, le traducteur s’étant permis de retrancher les passages favorables à la religion. On a reproduit dans le Panthéon litté­raire (1 vol. grand in-8 ? 1840) et dans la collec­tion Charpentier (2 vol. in-12, 1842) la traduction des Œuvres philosophiques de Bacon avec de légères variantes ; cette dernière publication est due à M. F. Riaux, qui l’a fait précéder d’un in­téressant travail sur la personne et la philosophie de Bacon, et y a joint des notes, empruntées pour la plupart au travail de M. Bouillet.

La vie de Bacon a été écrite par le révérend William Rawley. qui avait été son secrétaire et son chapelain (il la donna en 1658, en tête d’un recueil d’œuvres inédites de son ancien maître) ; par W. Dugdal, dans le Baconiana de Th. Tenison, 1679 ; par Robert Stephens, Londres, 1734 ; par David Mallet, en tête de l’édition de 1740 (cette vie a été traduite en français par Pouillot, 1755, et par Bertin, 1788) ; par M. de Vauzelles, 2 vol. in-8, Paris. 1833 ; et par M. Bazil Montagu, en tête de la belle édition de Londres, 1825, que nous avons déjà citée : cette dernière n’est guère qu’une apologie.

La philosophie de l’auteur de la Grande Réno­vation et scs doctrines ont été aussi l’objet d’un assez grand nombre de travaux, parmi lesquels nous citerons : l’Analyse de la philosophie de Bacon> par Deleyre, 2 vol. in-12, Paris, 1755 ; le Precis de la philosophie de Bacon, par J. A. Deluc, 2 vol. in-8, Genève, 1801 ; le Christianisme de Bacon, par l’abbé Eymery, 2 vol. in-12, Paris, 1799 ; l’Examen de la philosophie de Bacon, ouvrage posthume du comte Joseph de Maistre,

2 vol. in-8, Paris, 1836, factum dicte par une haine aveugle contre toute philosophie, et dont nous avons déjà fait connaître la valeur ; de Baconis Verulamii philosophia, par M. Huet, in-8, Paris, 1838 ; Bacon, sa vie, son temps, sa phi­losophie, parM. Ch. de Rémusat, Paris, 1857, in-8 ; elle a encore été l’objet de plusieurs articles dans diverses Revues, parmi lesquels on distingue un article de la Revue d’Edimbourg, de juillet 1837, dû à la plume de M. Macaulay ; ce morceau a été en partie traduit en français dans la Revue bri­tannique du mois d’août suivant, et a donné lieu à une savante réplique de M. Benjamin Lafaye, insérée dans la. Revue française et étrangère. Sur quelques points particuliers, on pourra consulter une thèse de M. Jacquinet, F. Baconi de re lit­teraria judicia, Paris, 1863, in-8. Enfin l’exposi­tion et l’appréciation de cette philosophie occu­pent une grande place dans plusieurs ouvrages importants, tels que la Logique de Gassendi ; les Lettres sur les Anglais, de Voltaire ; l'Histoire d’Angleterre de Hume (cet historien établit un parallèle entre Bacon et Galilée, et donne la su­périorité au grand physicien de l’Italie) ; le dis-+ cours préliminaire de Y Encyclopédie ; Y Essai sur les Connaissances humaines, de Condillac ; la Logique de Destutt de Tracy (Discours prélimi­naire), et dans toutes les histoires de la philoso­phie.N. B.

BALDINOTTI (César), philosophe italien de la fin du siècle dernier. Son premier ouvrage est de 1787 et en 1820 il enseignait encore à Padoue : il y avait pour élève Rosmini. qui plus d’une fois embarrassa son maître par les objections qu’il opposait à sa doctrine sensualiste. Baldinotti reconnaît pour maîtres Gassendi, Locke, Condillac et Bonnet ; mais il fait des efforts louables pour concilier l’empirisme avec les vérités religieuses et morales que ce système semble exclure. 11 ne confond pas l’acte de la conscience avec la perception, et distingue surtout l’idée, sous sa forme universelle et abstraite, de la sensation, d’où elle est dégagée par un acte rationnel. Aussi après avoir critiqué ce que les philosophes appel­lent les principes, et montré que ce sont des propositions steriles, il proclame qu’il y a pour­tant des vérités nécessaires, celles qui concernent les idées universelles, qui sont l’œuvre de notre esprit,