Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/172

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La théorie de la perception est également tout écossaise, sauf une tentative assez malheureuse pour attribuer à la vue la perception complète de l’étendue, dans le but de faciliter l’explication de l’Eucharistie, en écartant de l’essence de la matière l’idée d’impénétrabilité. Sur l’espace et le temps, sur la nature des corps, sur les idées innées, Balmès suit en général les traces de Leibniz. Il ne voit dans l’espace et dans le temps que des rapports de coexistence et de succession, soit dans l’ordre réel, soit dans l’ordre idéal. Sous ces rapports, il incline à placer, quoique avec une certaine hésitation, des forces simples ou des monades. Il rejette l’expression d’idées innées ; mais il admet dans l’intelligence une activité innée, inhérente à tous les esprits et qui consti­tue la raison universelle, et il lui donne pour objet propre l’idée de Dieu, à laquelle il ramène toutes les conceptions idéales. Son ontologie a, dans la forme, quelque chose d’hégélien. Elle se résume dans les combinaisons des idées d’être et de non-être, par lesquelles il explique les idées de nombre, de temps, d’infini et de fini, de sub­stance et d’attribut, de cause et d’effet. Mais son bon sens ne se perd pas dans l’abstrait ; il revient promptement à l’observation psychologique, et elle lui fournit une excellente démonstration de la substantialité et de la causalité du moi, et une réfutation non moins solide du panthéisme.

La morale de Balmès est celle de Malebranche. Elle a pour principe l’amour de Dieu et de toutes les choses que Dieu aime, dans l’ordre même où il les aime, c’est-à-diie suivant leurs degrés de perfection tels qu’ils sont représentés dans l’en­tendement divin : théorie très-élevée, mais qui a le tort de faire reposer le devoir sur un senti­ment, l’amour de Dieu, et de le subordonner à la connaissance toujours incomplète de l’ordre uni­versel.

Balmès, on le voit, n’a point édifié un système original. Sa philosophie ne se compose guère que d’emprunts à tous les philosophes spiritualistes. Elle n’en tient pas moins une place très-honora­ble dans le mouvement philosophique du xrx6 siè­cle, comme le plus remarquable effort qui ait été tenté en Espagne depuis la Renaissance, pour y ranimer les études métaphysiques. Quoique peu sympathique à l’état présent de sa patrie, Bal­mès se plaisait à y reconnaître des symptômes évidents de renaissance : « Malgré le trouble du temps, disait-il, il s’opère dans mon pays un dé­veloppement intellectuel dont on connaîtra plus tard la portée. »

On peut consulter sur la philosophie de Balmès une étude de M. de Blanche-Raffin : Jacques Balmès, sa vie et ses ouvrages, Paris, 1860, et un article de M. Emile Beaussire [Revuemoderne du 10 décembre 1869).Ém. B.

BARALIPTON. Terme de convention mné­monique, par lequel les logiciens désignaient un des modes indirects de la première des trois fiures du syllogisme reconnues par Aristote. La ernière syllabe de ce mot n’a aucun sens, elle est ajoutée pour la mesure du vers mnémonique, usité dans l’École :

Barbara, Celarent, Darii, Ferio, Baralipton. Voy. la Logique de Port-Royal, 3° partie, etl’articie Syllogisme.

BARBARA. Terme mnémonique de conven­tion dans lequel les logiciens désignaient un des modes de la première figure du syllogisme, le plus parfait et le type de tous les autres. Voy. la Logique de Port-Royal, 3* partie, et l’article Syl­logisme.

BARBARI. Terme de convention mnémoni­que. par lequel les logiciens désignaient un des moues de la quatrième figure du syllogisme.

Voy. la Logique de Port-Royal, 3* partie, et l’article Syllogisme.

BARBEYRAC (.Tean), né à Bcziers en 1674, d’une famille calviniste, est un de ces réfugiés français dont la révocation de l’édit de Nantes enrichit les pays protestants, la Suisse, la Hol­lande et surtout la Prusse. Il professa les belles lettres au collège français de Berlin, l’histoire et le droit civil à Lausanne, le droit public à Groningue. Il mourut dans cette dernière ville en 1744. Il était membre de l’Académic royale des sciences de Prusse. Il a rendu service à l’une des branches de la philosophie, le droit naturel, par ses traductions de Grotius, île Pufendorf, de Cumberland, de Noot (voy. ces noms), et par les pré­faces et les notes dont il les a accompagnées. La préface qu’il a mise en tête du traite de Pufen­dorf, du Droit de la nature et des gens, est un véritable ouvrage, dans lequel il passe en revue tous les systèmes de morale anciens et modernes, avec un grand luxe de citations, mais peu de critique. Les Pères de l’Église y sont juges avec une sévérité, que Barbeyrac dépassa encore dans son célèbre traité de la Morale des Pères. Quel­ques vues théoriques se mêlent à ces considéra­tions historiques. Il suit, en général, les prin­cipes de Locke plutôt que ceux de Descartes, bien qu’il emprunte à ce dernier une de ses théories les moins heureuses, celle qui fait ren­trer le jugement dans la volonté. Il repousse les idées innées, et^ comme Locke, il ramène les idées morales a des rapports de convenance, fondés sur la nature des actions humaines. Ces rapports constituent le bien et le mal, mais non la loi morale ; car il ne s’y attache un caractère obligatoire qu’en vertu d’un commandement di­rect de la volonté divine, naturellement révélé à la conscience. Barbeyrac insiste dans presque tous ses écrits sur cette théorie de l’obligation, dont le germe se trouve dans Pufendorf et dans Locke lui-même, mais confusément et avec des contra­dictions manifestes. Il l’a défendue contre Leib­niz dans un écrit spécial, qui est le meilleur de ses titres comme philosophe. Leibniz avait vive­ment attaqué le système de Pufendorf, dans une lettre à Gérard Molanus, publiée d’abord sans nom d’auteur. Barbeyrac traduisit cette lettre, et il l’inséra, avec ses propres remarques, à la suite de sa traduction du petit traité de Pufendorf, des Devoirs de l’homme et du citoyen. Il ac­corde à Leibniz que l’obligation est toujours con­forme aux principes de la raison. Il reconnaît que le bien et le juste n’ont rien d’arbitraire, et il les dégage de toute considération d’utilité, soit personnelle, soit sociale. Mais il distingue entre l’idée et le fait même de l’obligation. Si l’idée de l’obligation est une conception de la raison, ou plutôt de la conscience, le fait de l’obligation consiste dans un commandement, qui ne peut être que l’acte d’une volonté. Or la seule volonté à laquelle toutes les volontés particulières soient soumises, et dont tous les ordres soient nécessai­rement l’expression de la droite raison, c’est la vo­lonté de Dieu. En vain objecte-t-on qu’il y a des règles de morale reconnues et observées par les athées ; ce ne peut être qu’une morale très-im­parfaite, fondée sur des idées de convenance plus ou moins exactes, mais sans caractère obli­gatoire. Barbeyrac aurait pu répondre plusjustcment qu’on peut reconnaître l’obligation sans la rapporter à sa véritable source, de même qu’on ne nie pas l’existence des choses, parce qu’on re­fuse d’admettre un Dieu créateur. Quant au fond de sa théorie, elle ne se sépare qu’en apparence d-s doctrines philosophiques qui ont repoussé avec le plus de force la volonté divine comme fondement de l’obligation morale ; car ces doc­trines