Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/225

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normale où il put entendre les leçons de Cousin « t de Jouflroy. Nommé ensuite suppléant de la chaire de philosophie du collège de Rouen, il dut, comme beaucoup d’autres, renoncer à l’ensei­gnement public lors du mouvement de réaction qui entraîna le licenciement de l’École normale en 1821. Il obtint néanmoins le titre d’agrégé, et professa plusieurs années au collège RoUin^ qui était alors une instituttion particulière. Apres la révolution de 1830, il exerça les mêmes fonctions aux collèges Saint-Louis, Charlemagne, Henri IV, et fut nommé en 1840 proviseur du collège Bour­bon, puis membre du Conseil royal de l’instruc­tion publique, inspecteur de l’Académie de Paris et enfin inspecteur général; il est mort en 1864. Ses titres philosophiques, sans être éclatants, sont recommandables:il a publié dans la collection Lemaire les œuvres philosophiques de Cicéron et celles de Sénèque, avec des notes qu’il aurait sans doute perfectionnées, s’il avait pu reprendre ce travail dans sa maturité ; il a donné une excel­lente édition des œuvres philosophiques de F. Bacon, la meilleure, sans contredit, que nous possédions. Enfin il a employé une bonne partie d’une vie laborieuse^ et distraite par d’autres tra­vaux bien connus, a traduire les Ennéades de Plotin (1857, 3 volumes in-8). La tâche était diffi­cile; elle exigeait la connaissance de la langue et celle des systèmes:M. Bouillet l’a accomplie avec succès. Ces cinquante-quatre livres, hérissés de passages obscurs, ont été traduits en un lan­gage exact et qui s’anime quand le texte devient éloquent ; les difficultés en ont été signalées, discutées, souvent éclaircies ; des notes remar­quables, de vraies dissertations ont fait connaître, non sans une certaine surabondance de rensei­gnements, tout ce que Plotin doit à ses devan­ciers et tout ce que ses successeurs lui ont em­prunté; et le traducteur s’est si bien passionné pour son auteur qu’il voudrait non-seulement imposer sa doctrine, mais encore la justifier, et la laver du reproche de panthéisme. E. C.

BOULAINVILLIERS (Henri, comte de), né à Saint-Laire, en Normandie, en 1658, d’une an­cienne famille nobiliaire, et mort en 1722, em­brassa d’abord le parti des armes, qu’il quitta bientôt pour consacrer le reste de ses jours aux affaires de sa famille et aux travaux de la pen­sée. Sa réputation se fonde principalement sur ses œuvres historiques, où il soutient, entre autres paradoxes, que le gouvernement’féodal est le chef-d’œuvre de l’espril humain. Mais il appartient aussi à l’histoire de la philosophie par quelques écrits, les uns imprimés, les autres manuscrits, où se décèle un esprit inquiet, flot­tant entre la superstition et l’incrédulité. Sous prétexte de rendre plus facile la réfutation de Spinoza en mettant ses opinions à la portée de tout le monde, Boulainvilliers a eu réellement

Ipour but de propager le système de ce philo­sophe, en dissimulant toutes les difficultés dont il est hérissé, et en substituant au langage aus­tère du métaphysicien hollandais une forme simple et pleine d’attraits. Tel est le véritable caractère du livre intitulé : Réfutation deserreurs de Benoît de Spinoza, par M. de Fénelon, ar­chevêque de Cambrai, par le P. Lami, béné­dictin, et par M. le comte de Boulainvilliers, etc., in-12, Bruxelles, 1731. Ce même ouvrage, avant d’être imprimé, était aussi connu sous ce titre : Essai de métaphysique dans les principes de B. de Sp., et c’est à tort que la Biographie de Michaud en fait un ouvrage distinct. Quoique l’auteur déclare, avec cette hypocrisie devenue plus tard si commune chez Voltaire, que la Pro­vidence ne manquera pas de se susciter des dé­fenseurs, et que si les années n’avaient déjà

affaibli sa vivacité, il aurait lui-même pris part à la réfutation du plus dangereux livre qui ait été écrit contre la religion (ouvr. cité, Préfacé), ses intentions ne sauraient échapper à personne.

11 a écrit dans le même esprit, comme il nous l’apprend lui-même (ubi supra), une analyse du Traité théologico-politique, imprimée à la suite des Doutes sur la religion (in-12, Londres, 1767). Le Traité des trois Imposteurs, qu’on lui attribue également (in-8, sans nom de lieu, 1775, de

  1. p.), n’est qu’un extrait du livre intitulé : la Vie et l’Esprit de Spinoza% in-8, Amst., 1799, ou plutôt de la deuxième partie de ce livre, l’Esprit de Spinoza. Enfin Boulainvilliers est l’auteur d’un ouvrage demeuré manuscrit sous le titre de : Pratique abrégée des jugements astrologiques sur les nativités (3 vol. in-4. n ! * 569 et 570 dans la bibliothèque de M. Jariel de Forge ? dont le fonds provenait de celle de Boulainvilliers). Il avait réuni plus de 200 vo­lumes sur la philosophie hermétique et les scien­ces occultes. Les écrits philosophiques de Bou­lainvilliers ont aujourd’hui perdu toute leur valeur. La prétendue Réfutation du système de Spinoza est une exposition très-faible et.très-incomplète de la doctrine contenue dans Y Éthique, et n’offre plus d’autre intérêt que celui de la rareté. Voy. Œuvres de Spinoza publiées par Μ. E. Saisset.

BOURDIN (Pierre), jésuite français, né à Mou­lins en 1595, enseigna la rhétorique et les ma­thématiques à la Flèche et à Paris, où il mourut en 1653. Il a laissé quatre ou cinq ouvrages de mathématique. Mais son nom serait profondément inconnu, s’il n’avait opposé aux méditations de Descartes les septièmes objections qu’on lit à la suite de cet ouvrage, et si Descartes ne lui avait fait l’honneur de lui répondre. Bourdin avait commencé par écrire en 1640 quelques traités contre les idées de Descartes surtout en matière d’optique ; puis il en composa des thèses qu’il fit imprimer « et qu’il soutint, dit Descartes, pendant trois jours avec une pompe et un appareil extra­ordinaires. » Enfin il redigea contre les Médi­tations une longue et lourde dissertation, remar­quable seulement par la mauvaise foi des interprétations et la grossièreté des critiques. Descartes prit la peine de se défendre, et de se justifier du reproche de scepticisme, qui résume tous les arguments du P. Bourdiii. Il eut la faiblesse d’accuser auprès du P. Dinet, pro­vincial des jésuites, son indigne adversaire et son écrit « conçu en termes si pleins d’aigreur qu’un particulier même et qui ne serait tenu par aucun vœu solennel de pratiquer la vertu plus que le commun des hommes, ne pourrait avec bienséance se donner la licence d’écrire de la sorte. » (Lettre au Père Dinet, Œuvres complètes de Descartes, édition Cousin, t. IX, p. 1.) Les seuls détails biographiques qu’on ait trouvés sur le P. Bourdin sont contenus dans une courte notice de la Bibliotheca scriptorum societatis Jesu. On n’y parle pas de sa querelle avec Des­cartes.E. C.

BOURSIER (Laurent-François), docteur de Sorbonne, né à Ecouen en 1679, mort à Paris en

  1. fut un des chefs du parti janséniste, et prit en cette qualité une part active aux querelles religieuses des premières années du règne de Louis XV. 11 mérite une place dans l’histoire de la philosophie par son ouvrage De l’action de Dieu sur les créatures, traité dans lequel on prouve la prémotion physique par le raison­nement, et où l’on examine plusieurs questions qui ont rapport à la nature des esprits et à la grâce, 2 vol. in-4, Paris, 1715. Boursier est un disciple de Malebranche qui exagère la théorie