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Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/231

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mots écrits de sa main en tête de ce testament philosophique) ; on croirait lire une page détachée de son Traité de l’irritation. Sauf ce singulier aveu : qu’il sent comme beaucoup d’autres, qu’une intelligence a tout coordonné, on ne voit rien de compromettant, rien même qui soit en désaccord avec ses anciennes doctrines.

Au reste, c’est probablement ce que ses amis, ses seuls amis ont parfaitement compris, puisque, tout en déposant religieusement cette expression de foi dans les archives de 1a, Bibliothèque, ils se sont hâtés de lui donner îa plus grande pu­blicité. Voy., outre l’Éloge de Broussais, par M. Mignet, Broussais philosophe dans l’ouvrage intitulé : l’Ame et le Corps, par A. Lemoine, Paris, 1862, in-12.F. D.

BROWN (Pierre), évêque de Corke et de Ross, contemporain et adversaire de Locke, a écrit contre lui les ouvrages suivants : the Procédure, exlent and limits of human understanding, in-8, Londres, 1729, continué sous ce titre : Tliings divine and supernatural conserved by analogy witli Things natural and human, in-8, ib., 1733 ;

  • Two dissertations concerning sense and ima­gination with and essay on consciousness, in-8, ib., 1628. C’est contre le premier de ces écrits que Berkeley a publié son Alciphron. L’opinion de Brown est que nous ne savons rien de Dieu ni du monde spirituel que par analogie avec les objets sensibles ; que, par conséquent, toutes les connaissances que nous pouvons acquérir sur les sujets importants sont vagues et incertaines, et qu’il nous faut recourir aux lumières de la ré­vélation. Brown a laissé encore d’autres écrits purement théologiques, qui donnent une haute idée de son érudition. Il est mort dans son palais épiscopal de Corke en 1735.

BROWN (Thomas), philosophe écossais, né en 1778 à Kirkmabreck, près d’Edimbourg, était fils d’un ministre presbytérien. 11 perdit son père de bonne heure, fut élevé avec le plus grand soin par sa mère, se fit remarquer par sa précocité, prit, dès l’âge de quinze ans, un goût très-vif pour la philosophie en lisant les Éléments de la Phi­losophie de l’esprit humain de Dugald-Stewart ; suivit bientôt après les leçons de cet illustre pro­fesseur, qui ne tarda pas à le distinguer, et lui accorda dès lors son amitié ; étudia la medecine, et même pratiqua cet art avec assez de succès, mais sans s’y donner tout entier, et partagea ses loisirs entre deux études qui avaient plus d’attrait pour lui, et qui sont bien rarement unies : la poésie et la philosophie.

Nous laisserons le poëte, dont les œuvres ne sont cependant pas sans mérite (elles ont été réunies après sa mort en 4 vol. in-8, Edimbourg, 1821-22), pour ne nous occuper que du philosophe.

Brown avait, dès l’âge de dix-huit ans, composé une réfutation de la Zoonomie de Darwin, qui avait attiré l’attention (1796). L’un des fondateurs de la Revue d’Èdimbourg, il y donna des articles remarquables sur la philosophie, notamment une Exposition de la philosophie de Kant (janvier 1803), une des premières tentatives faites en Écosse pour faire connaître les nouvelles doctrines de l’Allemagne. En 1804, à l’occasion d’une con­troverse assez animée, qui s’était élevée à Edim­bourg sur les doctrines de Hume, il publia un Examen de la Théorie de Hume sur la relation de cause et d’effet, où il prit en main la défense du philosophe sceptique, et voulut montrer que si sa théorie n’est pas irréprochable en métaphy­sique, elle est loin d’entraîner les conséquences funestes qu’on lui attribuait. Cet ouvrage, qui eut trois éditions (la troisième, publiée en 1818, a pour titre : Recherches sur la relation de cause et d’e/]el), lui fit prendre rang parmi les méta-

DICT. PHILOS.

physiciens. En 1808, Dugald-Stewart, se jentant affaibli par l’âge, lui confia le soin de le suppléer. Deux ans après, Brown fut régulièrement nommé professeur adjoint de philosophie morale à l’Université d’Edimbourg ; il fit le cours avec un grand succès jusqu’à sa mort, arrivée prématurément en 1820. Il venait de commencer l’impression d’un ouvrage qui devait servir de manuel à ses élèves ; cet ouvrage, quoique resté incomplet, fut publié sous le titre de Physiologie de l’esprit humain (in-8, Edimbourg, 1820). Il avait aussi rédigé avec soin tout son cours, en cent leçons ; ce cours parut après sa mort sous le titre de Leçons sur la Philosophie de l’esprit humain (4 Vol. jn-8j Edimbourg, 1822), et fut souvent réimprimé, a Edimbourg, à Londres et aux ÉtatsUnis. C’est là son principal titre philosophique.

Brown est, comme on l’a dit avec vérité, un disciple infidèle de l’école écossaise. Il est en révolte ouverte contre ses maîtres, contre Reid surtout ; et sur plusieurs questions capitales, il prend le contre-pied de ses prédécesseurs. Reid et Stewart avaient laborieusement rassemblé les faits el décrit scrupuleusement les phénomènes sans vouloir faire de systèmes ni même de clas­sifications systématiques ; ils avaient été conduits par là à multiplier les principes ; Brown blâme cette timidité ; il veut simplifier, systématiser les faits, et les ramener au plus petit nombre de causes ou de classes possibles (Leçon 13e ; et Physiol., sect. III, ch. i). Reid avait cru découvrir que tout le scepticisme moderne est né de l’hypo­thèse gratuite d’idées, ou images intermédiaires entre l’âme et le corps, et il avait dirigé contre cette hypothèse tous les efforts de sa dialectique ; Brown prétend que si cette hypothèse a pu sé­duire quelques philosophes parmi les anciens, elle a été rejetee par la plupart des modernes, excepté peut-être Malebranche et Berkeley, et qu’en l’attribuant à Descartes, Arnauld, HobLes, Locke, etc., Reid a été dupe d’un langage in­correct, et a pris pour une doctrine sérieuse ce qui n’était qu’une métaphore (Leçons 18° et 31e ; Physiol., sect. II, ch. vi). Reid enseigne l’existence d’une faculté spéciale de perception, au moyen de laquelle nous connaissons immédiatement et directement les corps extérieurs ; Brown rejette cette assertion, comme gratuite, comme n’expli­quant rien et, par conséquent, antiphilosophique ; il rend compte de la connaissance des corps par la sensation de résistance, et la conception d’une cause qui excite cette sensation (ib. ; et Physiol., p. 109). Reid avait paru faire de la conscience, ou sens intime, une faculté à part, s’appliquant aux opérations de l’àme^ comme l’œil aux objets extérieurs ; Brown démontré longuement que la conscience ne peut être séparée des opérations de l’âme dont elle nous instruit, qu’elle en fait partie intégrante et n’en est qu’une face, un point de vue (11e Leçon). Reid avait combattu à outrance les doctrines de Hume, surtout son paradoxe re­latif à la causalité, que Hume réduit, à la succes­sion ou à la connexion ; Brown s’efforce, soit dans ses Leçons (Leçons 6e et 7e), soit dans sa Recherche sur la relation de cause el d’effet, de réhabiliter Hume, et expose une doctrine qui ressemble fort à celle du célèbre sceptique, tout en déclinant les funestes conséquences qu’on en voudrait tirer. Il s’efforce également d’atténuer le scepticisme de Hume relativement au monde extérieur ; et prétend que Reid et Hume diffèrent de langage bien plus que d’opinion, l’un criant à tue-tête qu’on doit croire à l’existence de ce monde, mais avouant qu’on ne peut la prouver ; l’autre soutenant, avec non moins de force, qu’on ne peut prouver l’existence des corps, mais con­fessant tout bas qu’il ne peut s’empêcher d’y