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Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/283

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im, Aschaphim et Me’haschphim (ubi supra, ch. i, t. 20 ; ch. il, *. 2). Quelles étaient les attributions de ces sages ? Par quels caractères se distinguaient-ils les uns des autres ? Quelles connaissances positives s’alliaient dans leur esprit à celle des arts magiques dont ils faisaient profession aux yeux d’une foule ignorante, et sur lesquels se fondait tout leur crédit ? Ces diverses questions, malgré les ten­tatives qu’on a faites pour y répondre, malgré les lumières réunies de la philologie, de la théo­logie et de l’histoire, attendent encore une solu­tion satisfaisante.

Ce qui nous paraît certain, c’est que les Chal­déens, sur les grands objets qui ont excité en tout temps la curiosité de l’homme, n’ont pas toujours eu les mêmes opinions. D’abord nous les voyons plongés dans la plus grossière ido­lâtrie ; leur religion, comme celle des Sabéens, des anciens Arabes et de plusieurs autres peu­ples de l’Orient, c’est le culte des astres. Ils ado­raient principalement le soleil, la lune, les cinq planètes et les douze signes du zodiaque dont ils furent vraisemblablement les inventeurs. Une des fonctions de leurs prêtres était, comme nous l’avons déjà dit, d’observer ces divers signes et tous les corps célestes, afin de leur arracher le secret de l’avenir. A cet effet, on avait assigné à chacun ses attributions, son influence bonne ou mauvaise, et une part déterminée dans le gou­vernement général des choses de la terre. Ainsi Jupiter et Vénus, autrement appelés Bélus et Mylitta, cette même Mylitta en l’honneur de laquelle les femmes de Babylone se prostituaient une fois dans leur vie, passaient pour bienfai­sants ; Saturne et Mars pour malfaisants ; Mer­cure, que l’on suppose être le même que Nébo, était tantôt l’un, tantôt l’autre, selon la position qu’il occupait dans le ciel. Parmi les douze signes du zodiaque, les uns représentaient les sexes, les autres le mouvement ou le repos, ceux-ci les diverses parties du corps, ceux-là les différents accidents de la vie, et, se divisant pour se subdiviser encore à l’infini, ils formaient comme une langue mystérieuse, mais complète, dans laquelle le ciel nous annonce nos destinées. Outre les douze signes du zodiaque, les Chal­déens reconnaissaient encore des étoiles trèsinfluentes au nombre de vingt-quatre, dont douze occupaient la partie supérieure et douze la par­tie inférieure du monde, en considérant la terre comme le milieu. Les premières étaient pré­posées aux destinées des vivants, les autres étaient chargées de juger les morts. Les cinq planètes aussi avaient sous leur direction trente astres secondaires qui, voyageant alternati­vement d’un hémisphère à l’autre, leur annon­çaient ce qui se passait dans toute l’étendue de l’univers, et portaient le titre de dieux conseil­lers. Enfin, au-dessus des planètes, désignées sous le nom de dieux interprètes, par cr· séquent au-dessus de toute l’armée céleste, è^, _3nt le soleil et la lune : le soleil représentant le prin­cipe mâle ou actif, et la lune le principe femelle ou passif. Sans nous initier d’une manière bien précise à tous ces détails que nous empruntons à deux auteurs grecs, Diodore de Sicile (liv. II) et Sextus Empiricus (Adv. Mathem., lib. V, p. 111, ‘édit. de Genève), la Bible nous montre aussi les Chaldéens d’abord livrés à la plus grossière ido­lâtrie et ne reconnaissant pas d’autre divinité que les astres. Elle nous apprend que le père des Hébreux a été obligé, pour rendre hommage au vrai Dieu, de quitter sa famille et sa patrie qu’elle désigne sous le nom d’Our en Chaldée (OurChasdim). Cependant, à une époque moins re­culée, elle nous laisse apercevoir chez ce même peuple des croyances déjà bien différentes. Au culte des astres, lequel, sans doute, n’a pas encore entièrement disparu, est venu se joindre un autre culte beaucoup moins matériel, celui des anges et des génies. Sans nous arrêter à d’autres preuves plus ou moins évidentes, nous dirons que les plus anciens parmi les docteurs juifs affirment positivement que leurs ancêtres ont rapporté du pays de Babylone ces trois choses : les caractères de l’écriture assyrienne, les noms des mois et les noms des anges (Thaï'mud, tract, de Sanhédrin, ch. xxm). Dès le début de l’histoire de Job, que l’écrivain sacré nous représente comme un Chaldéen, nous voyons Dieu entouré d’une cour céleste appelée les en­fants de Dieu, et au milieu de cette cour appa­raît Satan, le génie du mal, dont le nom même appartient à la langue araméenne, à cette langue sacrée dans laquelle les prêtres chaldéens s’en­tretiennent avec le roi Nabuchodonosor (Daniel, ch. n, *. 4). Quand la Bible nous dit ailleurs que Daniel, le prophète du vrai Dieu, n’a pas craint de faire partie du collège de ces prêtres, et que même il en a été nommé le chef (ubi supra, ch. v, t. 11), elle suppose sans doute que les Chaldéens n’etaient pas complètement étrangers à l’idée d’un Dieu unique, principe intelligent et immatériel de tout ce qui existe. Un tel principe a pu très-bien conserver le nom de Bélus, ou plutôt de Bel ou de Baal, qui, dans les langues sémitiques, signifie le maître, le seigneur. L’idée même du soleil, considéré d’abord comme le roi de la nature, l’idée du feu et de la lumière, a dû rester dans ce culte plus pur comme le symbole, comme le signe extérieur de l’intel­ligence divine. Aussi n’avons-nous pas de peine à comprendre, dans un livre écrit chez les Chal­déens et dans leur langue sacrée, ces magni­fiques images qui nous représentent le souverain Être, ΓAncien des jours avec un vêtement écla­tant de blancheur, assis sur un trône de flamme et de feu ardent, répandant autour de lui des torrents de lumière (ubi supra, ch. vu, t. 9 et 10). Ce sont, du reste, de telles croyances qui nous expliquent la facilité avec laquelle toute la Chaldée se laissa convertir à la religion de Zo­roastre.

Les résultats que vient de nous fournir la lec­ture attentive des livres hébreux sont confirmés par d’autres témoignages en assez grand nombre. Eusèbe (Præp. evang., lib. IV, c. v, et lib. IX, c. x) et saint Justin le martyr (Exhort. ad Gent.) rapportent un oracle, c’est-à-dire une tradition antique qui attribue à la fois, aux Chaldéens et aux Hébreux, la connaissance d’un principe éter­nel, père et roi de l’univers. Nous retrouvons la même idée, sous une forme bien plus matérielle et plus grossière, dans la cosmogonie que ren­ferment les fragments de Bérose ; car voici la substance de ce récit bizarre placé dans la bou­che d’un personnage symbolique, moitié homme, moitié poisson, qui vient raconter aux premiers habitants de la Chaldée le mystère de leur ori­gine et leur enseigner les arts et les lois de la civilisation. Au commencement était le chaos, composé d’eau et de ténèbres, au sein desquelles nageaient des êtres difformes, des animaux et des hommes à demi achevés. Sur ce chaos ré­gnait une puissance dont le nom se traduit en grec par thalatta, c’est-à-dire la mer, et qui, dans la langue chaldéenne, signifie la mère du firmament (Omorka ou Omoroka). Ce principe, ui dominait le chaos primitif, la mer ou Je rmament, comme on voudra l’appeler ; a été partagé, par le dieu Bélus, en deux moitiés, dont l’une servit à former le ciel, et l’autre la terre. En même temps, Bélus substitua la lumière auxténèbres,