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Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/302

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CLAU
CLEA
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véritables de celles qui n’ont que la valeur d’un procédé mnémonique.

La nature offre d’abondants matériaux à la classification ; mais l’homme peut aussi chercher à coordonner les produits de son activité propre, les sciences et les arts. Le plus ancien essai en ce genre est dû à Aristote, qui partageait les sciences philosophiques en sciences spéculatives, pratiques et poétiques, et chacune de ces branches en groupes secondaires, d’après les trois modes possibles du développement intellectuel, penser, agir, produire. Un système de classification plus connu est celui que le chancelier Bacon a développé dans son ouvrage de la Dignité et de l Accroissement des sciences, et qui repose sur la distinction des facultés de l’esprit, à savoir la mémoire, d’où l’histoire ; la raison, d’où la phi1 iphie ; l’imagination, d’où la poésie et les arts. D’Alembert l’a reproduit, avec de légers changements, dans le Discours.préliminaire de l’Encyclopédie. D’autres classifications, dont quelques-unes remontent au moyen âge, sont fondées sur la division préalable des objets de la pensée, et peut-être ce point de vue est-il le meilleur ; car, tous les pouvoirs de l’esprit concourant dans chaque espèce de sciences et d’arts, on ne peut p irtagerles connaissances d’après les facultés du sujet qui connaît, à moins d’un abus de l’abstraction qui engendre beaucoup d’erreurs. Le dernier travail sérieux qui ait été entrepris pour classer les produits de l’esprit humain, est l’ouvrage publie par M. Ampère, sous le titre d’Essai sur la philosophie des sciences, ou Exposition analytique d’une classification naturelle de toutes les connaissances humaines. La première partie a paru en 1834, et la seconde en 1838, après la mort de l’auteur. Voy. Bacon, Novum organum, liv. I, ch. ii ; Leibniz, Nouveaux Essais sur V entendement humain, liv. III, ch. m, § 6.

C. J.


CLAUBERG est né à Solingen, dans le duché de Berg, en 1622. Après avoir voyagé en France et en Angleterre, il vint à Leyde, où Jean Ray l’initia à la philosophie de Descartes. Clauberg est un des premiers qui aient enseigné en Allemagne la philosophie nouvelle. Il travailla à la propager par son enseignement dans la chaire de philosophie de Duisbourg et par ses ouvrages. Il mourut en 1665.

Clauberg, dans ses divers ouvrages, a exposé toutes les parties de la philosophie cartésienne avec une clarté et une méthode qu’admirait Leibniz. Il a écrit une paraphrase des Méditations de Descartes, dans laquelle le texte est commenté avec une fidélité et une exactitude qui rappellent les anciennes gloses des philosophes scolastiques sur l’Organon d’Aristote. Mais Clauberg ne se borne pas toujours au rôle de commentateur exact de la pensée du maître, et, dans quelques-uns de ses ouvrages, il a développé des conséquences contenues en germe dans les principes de la Métaphysique de Descartes. De conjunctione animæ et corporis humani scriptum, et Exercitationes centum de cognitione Dei et nostri, tels sont les titres des deux ouvrages dans lesquels Clauberg a donné un développement original aux principes de Descartes. Voici de quelle manière, dans le premier ouvrage, Clauberg résout la question de l’union de l’âme et du corps. Comment l’âme, qui ne se meut pas, pourrait-elle mouvoir le corps ? comment le corps, qui ne pense pas, pourrait-il faire penser l’âme ? L’âme n’est et ne peut être que la cause morale des mouvements du corps, c’est-à-dire l’occasion à propos de laquelle Dieu meut le corps ; de son côté, le corps ne saurait agir directement sur l’âme, et ses mouvements ne sont que les causes procathartiques des idées qui s’éveillent dans l’âme, parce qu’elles y sont contenues. Il est facile de voir le rapport de ces idées de Clauberg avec la théorie des causes occasionnelles de Malebranche. Au fond, les deux théories sont parfaitement semblables, et Clauberg a sur ce point devancé Malebranche.

Sur la question des rapports de Dieu avec les créatures, Clauberg est encore plus original que sur la question de l’union de l’âme et du corps. Il pousse à l’extrême cette opinion de Descartes, que conserver et créer sont une seule et même chose. Comme nous-mêmes et tous les autres êtres nous n’existons qu’à la condition d’être continuellement créés, il en résulte, selon Clauberg, que nous et toutes les choses qui sont dans le monde nous ne sommes que des actes, des opérations de Dieu ; nous ne sommes à l’égard de Dieu que ce que sont nos pensées à l’égard de notre esprit ; nous sommes moins encore, car souvent il arrive que notre esprit est impuissant à chasser certaines pensées importunes qui se présentent sans cesse à lui malgré lui, tandis que Dieu est tellement le maître de ses créatures, qu’aucune ne peut résister à sa volonté. Toutes sont à son égard dans une si étroite dépendance, qu’il suffit qu’un seul instant il détourne d’elles sa pensée, pour qu’aussitôt elles rentrent dans le néant. Je cite ce passage significatif d’un disciple immédiat de Descartes, qui, tout en voulant suivre pas à pas la doctrine du maître, est entraîné par la logique en des conséquences qui bientôt vont engendrer le panthéisme de Spinoza, la vision en Dieu et les causes occasionnelles de Malebranche. « Tantum igitur abest ut magnifice sentiendi occasionem ullam habeamus, ut potius maximam habeamus e contrario judicandi nos erga Deum idem esse quod cogitationes nostræ sunt erga mentem nostram, et adhuc aliquid minus, quoniam dantur nonnulla quæ, nobis etiam invitis, menti se offerunt. Quæ causa fuit Themistocli ut artem potius oblivionis quam memoriæ sibi optaret. Sed Deus suarum creaturarum adeo dominus est, ut voluntati suæ resistere minime valeant et ab eo tam stricte dependent ut, si semel ab eis cogitationem suam averteret, statim in nihilum redigerentur. » (Exercit. de cognit. Dei et nostri, ex. 28.) Pour arriver au panthéisme, il n’a manqué à Clauberg qu’un peu plus de force de logique ; il y touche sans s’en douter, sans s’apercevoir même qu’il ne s’est écarté en rien des principes de son maître. A la même époque, on retrouve plus ou moins la même tendance dans Geulincx, en Hollande, dans Sylvain Régis, en France : tant était glissante la pente logique qui entraînait les principes de Descartes aux systèmes de Malebranche et de Spinoza !

Outre les deux ouvrages que nous avons cités un peu plus haut, Clauberg a publié encore les écrits suivants : Logica vetus et nova, in-8, Duisbourg, 1656 ; — Ontosophia, de cognitione Dei et nostri (dans le même volume) ; — Initiatio philosophi, seu Dubitatio cartesiana, in-12, Muhlberg, 1687. — Les Œuvres complètes, Opera philosophica, ont été publiées à Amsterdam en 1691, 2 vol. in-4. — Voy. sur Clauberg : Essai sur l’histoire de la philosophie au xviie siècle, par P. Damiron, Paris, 1846, 2 vol. in-8 ; Histoire de la philosophie cartésienne, par F. Bouillier, Paris, 1854 et 1868, 2 vol. in-8.

F. B.


CLÉANTHE, fils de Phanias, naquit à Assos, dans l’Asie Mineure, vers l’an 300 avant Jésus-Christ. Il se destina d’abord à la profession d’athlète, et s’exerça au pugilat. Puis, réduit, par une de ces révolutions si fréquentes alors dans