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l’antiquité s’allia chez Pierre Dam ion à des ton- tiles à la philosophie, il ne conteste pas qu’elle ne donne de la force à l’esprit dans la méditation des saints mystères, mais il l’es- peuj il aurait du penchant a la pros et il la subordonne entièrement à la théologie (Ib., p. 271). En un mot, Pierre Damien i écrivain plus prudent qu’original, dont les ou- es solides et sensés ont joui au moyen âge d’une juste célébrité, mais qui n’a exercé aucune influence notable sur la marche des idées. Les œuvres de Pierre Damien ont été recueil- lies, sous le pontificat du pape Clément VII, par le cardinal Constantin Cajétan, Rome, 1606-1615, en trois volumes in-f°, réimprimés à Lyon en 1623. Le. premier volume contient cent cinquante-huit lettres, divisées en huit livres ; le second, soixante- quinze sermons ou biographies ; le troisième, divers opuscules sur le dogme, la discipline et la morale, au nombre de soixante. Cajétan ajouta, en 1640. un quatrième volume renfermant des priè- res, des hymnes, etc. Cette édition a servi de base à celles de Paris, in-f°, 4 vol., 1642 et 166:5. Consultez Dupin, Bibliothèque des auteurs ec- clésiastiques du xi° siècle; — Oudin, de Seripio- ribus ecclesiasticis, t. II, p. 668; — Histoire littéraire de France, t. VIII. C. J.

DAMIRON (Jean-Philibert), né en 1794 à Belle- ville (RhôneL élève de Cousin, condisciple et ami de Jouffroy, est l’un des plus honorables représentants du spiritualisme au xix e siècle. Sa vie tout entière, dévouée à l’accomplissement du devoir, peut s’écrire en deux lignes. Admis à l’École normale en 1813, après quelques années passées en province, il revint à Paris professer la philosophie aux collèges Bourbon, Charlemagne, Louis-le-Grand, à l’École normale, et enfin à la Sorbonne. Cette existence paisible ne fut trou- blée qu’un moment ; la mort de Jouffroy lui causa une vive douleur, et le devoir qui lui fut imposé de publier ses Nouveaux mélanges phi- losophiques souleva contre lui des récrimina- tions passionnées qui durent bien étonner le meilleur des hommes. Mais, à part ce petit orage, il n’eut qu’à se louer de sa destinée et des hom- mes. Il mourut en 1862, entouré d’amis et de disciples, en possession d’une renommée mo- deste, mais durable, et surtout environné d’un respect que des génies d’un ordre supérieur n’ont pas obtenu au même degré. C’est un de ces hommes qui servent de témoignage à une doctrine, ou tout au moins la font aimer en montrant com- bien elle les rend vertueux et bienveillants. Les mentes de l’esprit n’étaient pas chez Damiron inférieurs à ceux du caractère; ses ouvrages ne renferment sans doute aucune de ces conceptions originales qui donnent la gloire ; mais ils ne man- quent pourtant pas de vues neuves et d’heureuses observations. Ce qui lui donne un rang à part, quoique un peu secondaire, dans l’école de M. Cou- sin, c’est qu’il en est le moraliste et pour ainsi dire le prédicateur. En toute chose c’est la question morale qui l’intéresse: c’est elle qui inspire ses travaux, il ne la perd pas de vue, et entend qu’on le sache bien, dût-il le répéter un peu trop souvent. Cette religion du devoir lui sert de principe de critique dans ses ouvrages historiques : Essais sur l’histoire de la philoso- phie en France au xvn e siècle, Paris, 1846, — <iu xvni siècle, Paris, 1862, — au xix e siècle, Paris, 1834. Un système qui ne peut se concilier avec la foi au beau, à Dieu, et a la vie future, est pour M. Damiron une erreur: et prouver qu’il contredit ces croyances, c’est a peu près le réduire à l’absurde. Tel est encore le carn tère dominant de son seul ouvrage dogmatique, le l’ours de philosophie, Paris, 1842. Certes, M. Damiron a comme loulc son école le timent de l’importance de la psychologie, niais fl estime qu’elle est un moyen pour nom apprendre notre destinée et pour nous dicter nos devoirs; ta logique elle-même n’est pas traite à cette subordination, et la méthode s guère qu’une bonne habitude, c’est-à dire vertu de l’intelligence, pour laquelle le vi- le bien. Il faut dire à ceux qui ne le savent pas, que ce cours de philosophie est un des meilleurs hvns du temps: il abonde en idées qu’on ap- pellerait hardies, si elles étaient annoncées as. et qui ont paru neuves à ceux qui les ont reproduites sans en indiquer l’origine. M. Dami- ron a donnéplusieurs articles au Dictionnav sciences philosophiques. On peut consulter Da- miron dans le livre qu’il a publié sous le titre : Dix ans d’enseignement, Paris. 18.'>9, in-8. et l’article que lui a consacré M. Ad. Franck, dans les Moralistes et Philosophes, in-8, Paris, 1872. E. C.

DANIEL (Gabriel), né à Rouen, en 1649, entra au noviciat des Jésuites de Paris en 1667, fut successivement professeur de théologie à Rennes, bibliothécaire de la maison professe de Paris, et obtint de Louis XIV, avec le titre d’historiographe de France, une pension de2000 livres dont il jouit jusqu’à sa mort, arrivée en 1718. Le P. Daniel est connu principalement par son Histoire de France; mais il s’est fait aussi un nom comme théologien et comme philosophe, ou du moins comme adversaire de la philosophie cartésienne, à laquelle son ordre avait déclaré une guerre d’extermination. Les ouvrages qu’il a écrits en cette dernière qualité, les seuls, par conséquent, dont nous ayons à nous occuper ici, sont : le Voyage du monde de Descartes, et le Traité métaphysique de la nature du mouvement, le premier publié en 1690, le second en 1724, et contenus l’un et l’autre dans le premier volume du recueil de tous les ouvrages philosophiques et théologiques du P. Daniel (3 vol. in-4, Paris, 1724). Le Voyage du monde de Descartes est plutôt une satire qu’un traité de philosophie, mais une satire agréablement écrite et aussi bienveillante que l’esprit des Jésuites et le but même de leur institution pouvaient le permettre. Si le carté- sianisme et la philosophie en général y sont traités avec le plus profond dédain et une légè- reté qui n’exclut point les insinuations perfides, ni les plus odieuses prétentions sur la liberté de l’esprit humain, du moins le génie de Descartes et même son caractère y sont-ils respectés en apparence ; du moins, n’a-t-on pas eu la folie de dissimuler l’immense influence que ce philoso- phe a exercée sur son siècle. S’appuyant sur ce principe cartésien que l’essence de l’àme consiste tout entière dans la pensée, et que la vie et les mouvements du corps sont régis exclusivement par des lois mécaniques, l’auteur suppose que Des- cartes n’est pas mort; mais qu’ayant eu coutume de se servir de son corps à peu près comme on fait de sa maison, d’en sortir et d’y rentrer à volonté, de le laisser sur la terre plein de vie, tandis qu’il se promenait, pur esprit, dans les régions les plus élevées de l’univers, il lui ar- riva un accident semblable à celui que la tradi- tion raconte d’Hermotime de Clazomène. Un jour que cette séparation se prolongeait au delà du terme ordinaire, le médecin suédois attaché à la personne de Descartes, ne trouvant à h place du philosophe qu’un corps sans âme, <•’ à-dirc sans raison, le crut atteint de délire, et voulant le rendre a la santé, le tua. L’âme, à son retour, se voyant privée de son asile ici-bas, alla tixer sa demeure dans le troisième ciel.