ENTH branches de la connaissance humaine ont cessé d’être cultivées ensemble. L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, arts et métiers, par une société de gens de lettres, mis en ordre par Diderot et quant à la partie mathématique par Dalembert, se com- pose de 17 vol. in-f°, dont le premier parut en 1751, le dernier en 1765, plus 11 vol. de planches dont le premier est de 1762 et le dernier de 1772. Un supplément de 5 vol. parut en 1776-7. V En- cyclopédie fut réimprimée à Genève, 1777, 39 vol. in-4, et à Berne et Lausanne en 1778, 72 vol. gr. in-8, plus 3 vol. de planches in-4. Fr. R.
ENTÉLÉCHIE (en grec, έντελέχεια ; de έντελέζ, parfait ; έχειν, avoir; littéralement possession de la perfection). Ce terme a été créé par Aristote, traduit par Hermolaüs Barbarus en perfectihabia, et depuis remis en honneur par Leibniz. Après avoir, au premier livre de la Métaphysique, exposé sa théorie des quatre causes, matérielle, formelle, efficiente ou motrice, et finale, qui correspondent à ces quatre questions : Quelle est la matière d’un objet ? Quelle est la forme ou l’essence ? Quel est le moteur ? Quelle en est la fin ? Aristote, par des éliminations successives, les réduit à deux, la matière et la forme, le possible et l’être, la puissance et l’acte. Or l’entéléchie, c’est la forme ou l’acte par opposition à la matière ou à sa puissance. C’est ainsi qu’Aristote dit : Διηρημένου δε καθ’ έκαστον υένοζ τοῦ μέν δυναμει τοῦ δ’έντελεχεια, distinguons d’abord, en chaque genre, ce qui est en puissance et ce qui est en entéléchie, en acte. C’est ainsi qu’il définit l’âme tantôt la forme, tantôt l’entéléchie première de tout corps naturel, organisé, ayant la vie en puissance. C’est encore ainsi qu’avec une différence assez sensible, mais compréhensible, il définit le mouvement : la réalisation ou l’entéléchie du possible en tant que possible, parce que la réalisation ne commence qu’avec l’acte. L’entéléchie est donc, pour Aristote. tantôt la forme, tantôt l’acte, tantôt la réalisation du possible ou le mouvement par lequel la matière prend une forme et tend à une fin, tantôt l’être même qui résulte de la réalisation de la puissance, qui possède en soi le principe de son action et tend de lui-même à sa fin. Pour Leibniz, en donnant à ses monades le nom d’entéléchies, il a consacré sur ce point essentiel l’affinité de sa doctrine avec celle d’Aristote. Consultez la Métaphysique d’Aristote, liv. IX et XI ; l’Essai sur la Métaphysique d’Aristote de M. Ravaisson, t. 1, p. 384 et suiv.; — une dissertation de M. Bertereau, de Entelechia apud Leibnitium, Paris, 1843, in-8. Et voyez l’article Péripatéticienne (philosophie). A. B.
ENTHOUSIASME (îv6o-j<7taa(j.ôç). Ce mot est
dans Platon et dans Aristote; il signifie propre-
ment inspiration divine, et, d’une manière plus
générale, inspiration, excitation extraordinaire
de l’âme, exaltation intérieure qui se manifeste
au dehors par des paroles ou des actes plus
énergiques ou plus violents. L’enthousiasme est
habituellement attribué aux poètes, aux artistes;
mais il peut appartenir dans une certaine mesure
à tous les hommes; la pensée la plus grave et
la plus austère ne l’exclut pas. Le savant, le
philosophe aussi peuvent le sentir ; et Socrate,
dans le Phèdre, rapporte à l’influence des nym-
phes l’enthousiasme dont il est animé. L’enthou-
siasme est si peu le privilège de quelques âmes,
que parfois des nations entières en sont agitées ;
de grands événements politiques ou religieux le
leur inspirent; c’est l’enthousiasme qui produit
dans les peuples ces admirables élans de courage
qui sauvent la patrie et la liberté, et tous ces
dévouements éclatants ou inconnus qui sont
DICT. PHILOS.
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ENTH l’honneur de la nature humaine. C’est lui encore qui enfante ces convictions ardentes, ces grandes croyances qui poussent les individus au martyre et qui organisent les sociétés. Inspiration des poètes, ou même des devins et des prophètes réflexion sublime et profonde des philosophes’ héroïsme des guerriers et des peuples, dévoue- ment des martyrs et des patriotes, ce sont là des faces diverses de l’enthousiasme qu’il faudrait toutes étudier pour le bien comprendre dans toute son étendue et dans toute sa puissance. La psychologie et la morale n’en ont peut-être pas assez tenu compte; et c’est une lacune que la philosophie de nos jours a commencé et con- tinuera sans doute à combler. Il n’est point dans l’âme humaine une faculté qui soit à la fois ni plus obscure ni plus importante; mais il faut ajouter que cette faculté, bien qu’appartenant à tous, ne se manifeste clairement que dans quelques-uns, à de rares intervalles, et qu’elle a pu échapper ainsi à une analyse toujours très- dilficile, d’ordinaire trop peu profonde, et qui d’ailleurs ne doit s’adresser qu’aux généralités. L’âme humaine n’a que deux mouvements possibles : ou elle s’abandonne à la puissance qui l’anime, sans avoir conscience de la force qui la pousse, sans essayer de comprendre et de diriger l’instinct qui la mène; ou bien, tout en obéissant encore, elle intervient, du moins pour une part plus ou moins grande, dans les effets de cette puissance dont elle se rend compte, et qu’au besoin elle modifie. Le premier de ces mouvements est la spontanéité; le second est la réflexion avec toutes les nuances, avec tous les degrés que l’une et l’autre peuvent recevoir. Dans la spontanéité, l’homme n’est pour rien; il est mû par une force qui ne vient pas de lui, qu’il ignore tout en la suivant. L’être moral n’apparaît pas alors; la volonté et la liberté, bien qu’elles vivent toujours, ne sont point éclairées par cette lumière supérieure de la raison sans laquelle il n’y a point de vraie responsa- bilité. L’individu vit alors d’une vie d’autant plus puissante qu’elle est plus aveugle; il en sent la plénitude; elle déborde en lui, mais il ne la règle pas; il ne tente même point de la régler, tant le mouvement qui l’emporte est rapide et irrésistible. D’où vient cette puissance intérieure qui meut l’homme ? Et puisqu’elle n’est pas de lui, de qui la tient-il, à qui doit-il la rapporter? A Dieu, a répondu la philosophie grecque; et de là le sens profond et parfaitement vrai du mot enthousiasme (èv, 6eo;). Mais cette acception, tirée de l’étymologie même, n’est pas celle qu’ordinairement on y attache. L’enthousiasme est une certaine nuance de la spontanéité : ce n’est pas la spontanéité même ; et bien qu’en nous ce soit certainement quelque chose de divin qui donne à notre intelligence le mouvement et la vie, et produise ce que la philosophie moderne appelle la spontanéité, ce n’est qu’à l’un des effets les plus saillants de la spontanéité, et non à la spontanéité toute seule, que la philosophie grecque a joint la notion d’une intervention di- vine. Ceci, d’ailleurs, s’explique sans peine. La spontanéité, telle que nous la comprenons au- jourd’hui, est le fait le plus profond de notre nature, et il a fallu une très-longue analyse pour le découvrir dans les ténèbres où il se cache, et le démêler au milieu de cette mul- titude de faits beaucoup plus apparents qui le voilent à l’observation, même la plus attentive. Il ne faut donc pas confondre l’enthousiasme avec la spontanéité. La spontanéité est bien plus divine encore que l’enthousiasme sans contredit; mais c’est l’enthousiasme seul qu’on rapporte plus particulièrement à l’influence de la divinité. La