Aller au contenu

Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’une même école, attachés à un même dogme.

ANIMISME. On désigne par ce mot la doc­trine qui fait de l’âme le principe de la vie. Le nom est tout moderne, mais l’attribution de la vie à l’âme comme à son principe est très-ancienne. On peut même dire que cette opinion est com­mune à tous les philosophes de l’antiquité, aux Ioniens, aux Pythagoriens, aux Éléates, même aux atomistes, a Platon, à Aristote, aux Stoïciens, aux néo-platoniciens. C’est aussi l’opinion qui domine dans la scolastique. L’animisme est re­présenté dans les temps modernes par Paracelse, Robert Fludd, Van Helmont, Stahl ; il l’est de nos jours par un certain nombre de philosophes et de physiologistes distingués, il a même un organe de publicité périodique dans la Revue medicale.

Mais ces mots : « L’âme est le principe de la vie, » peuvent être le résumé trompeur, quoique littéralement exact, d’opinions très-diverses, quelquefois même absolument contraires.il faut donc distinguer de nombreuses et très-impor­tantes variétés dans l’animisme.

L’animisme des Ioniens, et plus généralement des philosophes antérieurs à Platon, est grossier, confus, matérialiste et profondément différent de l’animisme de Stahl ou de celui de nos jours. Pour les Ioniens, le principe de la vie c’est l’âme, il est vrai ; mais l’âme étant un air ou un feu ou quelque autre matière plus ou moins subtile, le principe de la vie est matériel. L’ani­misme de Platon est moins grossier, mais il n’est guère plus scientifique : l’âme est toujours le principe de la vie, mais ce n’est pas l’âme rai­sonnable, immortelle, immatérielle, νους, c’est une âme inférieure, déraisonnable et périssable. L’animisme de Galien tient à la fois de celui de Platon et de celui des Ioniens ; car, s’il admet la distinction platonicienne des trois âmes et n’attribue qu’à l’âme inférieure le principe de la vie, il ne fait même pas immatérielle et impé­rissable l’âme raisonnable. L’animisme pan­théiste des Stoïciens ne diffère pas sensiblement de l’animisme matérialiste des Ioniens. Celui de Paracelse, Robert Fludd, Van Helmont, se rap­proche beaucoup de la doctrine de Platon. Selon Paracelse, l’homme est formé d’un corps, d’un esprit intelligent et d’une âme sensible ; la vie a son principe dàns cette âme intermédiaire, distincte à la fois du corps et de l’esprit. C’est de la même manière que Fludd distingue trois âmes et n’attribue les fonctions de la vie organi­que qu’à l’âme inférieure. Enfin, l’archée prin­cipal, incorporel mais périssable de Van Helmont est de la même matière que l’âme inférieure des précédents.

Autre est l’animisme d’Aristote. Dans le traité del’A me, Aristote distingue quatre sortes d’âmes, l’âme nutritive, l’âme sensible, l’âine locomotrice et l’âme raisonnable, et fait de la première le principe de la vie. Mais ces quatre sortes d’âmes ne sont pas des âmes differentes qui se sur­ajoutent dans un même être vivant, sensible, marchant, raisonnable comme l’homme. Ce sont les fonctions diverses et hiérarchiques dont l’â­me d’un végétal remplit la première, l’âme d’un zoophyte la première et la seconde, l’âme d’un animal les trois premières, et qu’assume toutes à 11 fois l’âme humaine. La doctrine d’Aristote est donc sensiblement différente de celle de Platon. Toutefois, cette immortalité de l’âme raisonnable dont parle si brièvement Aristote à la fin de son Traite est difficilement conciliable avec la par­faite unité de l’âme humaine et rapproche sa doctrine de celle de Platon.

L’animisme de Stahl est tout à fait différent des précédents, même de celui d’Aristote. Pour lui, non-seulement c’est la même âme, l’âme unique qui à la fois pense et est le principe de la vie, mais, tandis qu’Aristote considère cette fonction du gouvernement de la vie comme in­férieure et ne l’attribue pas à la partie intelli­gente de l’âme, Stahl fait de l’àme le principe de la vie précisément parce qu’elle est intelligente et raisonnable. L’àme de Stahl agit avec une science parfaite de tout ce qu’elle fait, sans rai­sonnement, mais avec raison. De plus, cette âme est très-positivement immatérielle et, selon la foi, immortelle.

L’animisme de quelques philosophes contem­porains est aussi ferme que celui de Stahl sur l’identité de l’âm^ pensante et du principe vital, et sur l’immatérialité de ce principe unique. Mais il en diffère en ce qu’il n’attribue pas comme Stahl au principe vital la science de ce qu’il fait : c’est en vertu d’un instinct qui s’i­gnore que l’âme pensante accomplit ses fonc­tions de principe de la vie.

Or, bien que toutes ces doctrines différentes portent et méritent en apparence le nom d’ani­misme, il n’y a réellement que les trois dernières, celles d’Aristote, de Stahl et des contemporains, les deux dernières surtout, qui soient l’animisme véritable, franc et conséquent avec lui-même. En effet, la sincérité, l’originalité et la valeur de toute doctrine qui attribue à l’âme le prin­cipe de la vie, dépendent absolument de l’idée qu’on se fait de cette âme à laquelle on attribue la vie. Or, ce qui constitue essentiellement l’ani­misme, ce qui seul peut en faire un système franc, net et original, ce n’est pas seulement cette at­tribution équivoque du principe de la vie à une âme, quoi que ce soit qu’on appelle de ce nom ; c’est l’attribution de ce principe à une âme imma­térielle, à un esprit, qui soit à la fois le principe de la vie et de la pensée. Supprimez cette pre­mière condition de la spiritualité du principe de la vie, supposez matérielle l’âme vitale, vous placez" le principe de la vie dans la matière et n’avez plus qu’un animisme de nom ; en réalité vous avez une doctrine toute contraire à celle qui fait du principe de la pensée celui de la vie, parce que la vie lui semble exiger un principe immatériel ou intelligent. C’est le cas des physi­ciens d’Ionie. Supprimez cette autre condition que l’âme, principe de la vie, soit la même âme, l’àme unique qui pense et raisonne, vous avez encore un animisme plutôt nominal que réel et qui se rapproche du double dynamisme de l’E— cole de Montpellier. Car, celui qui dira que le principe de la vie n’est pas dans le corps, qu’il est dans l’âme, mais dans une âme autre que l’âme pensante et raisonnable, dans une âme incorporelle peut-être, mais périssable, douée d’instincts, mais non (le raison, répugne préci­sément à accepter ce qui fait l’originalité et l’es­sence de l’animisme véritable, à savoir l’identité de l’âme pensante et du principe vital. C’est le cas de Platon, de Paracelse, de Fludd, de Van Helmont et peut-être bien d’Aristote.

Quelles sont les principales fonctions que l’ani­misme attribue à l’âme dans le gouvernement du corps ? Non-seulement elle entretient la vie dans l’individu par la nutrition et les autres fonctions qui en dépendent, mais elle construit tout entier le corps à la vie duquel elle préside. Selon quelques animistes, Stahl entre autres, elle est le médecin naturel de ce corps, elle le répare quand ; i est malade, elle est même, par ses erreurs, le principal auteur de ses maladies ; rien ne se passe dans le corps vivant, que l’âme ne le sente, ne le sache et dont elle ne soit cause.Sur