Page:Franck - Le communisme jugé par l'histoire, 1871.djvu/46

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et de l'éternelle raison, il faut lui sacrifier tout, propriété, famille, dignité, affections, pudeur ; car si vous réservez un seul de ces biens, il vous sera impossible de ne pas réclamer les autres, tout le système s’enfuira par cette brèche, et la fourmi se transformera en homme. On sait sur quel fondement s’appuyaient ces institutions lacédémoniennes. Nulle part l'humanité n’a reçu de plus violents outrages et l’esclavage n’a été poussé à des excès plus barbares : c'est à tel point que les anciens eux-mêmes, et parmi eux le plus intrépide défenseur de ce droit de la force[1], ont été révoltés de l’horrible condition des ilotes. Mais les maîtres étaient-ils beaucoup plus libres que leurs esclaves ? Ces fiers républicains, si cruels, si inhospitaliers, rachetaient-ils au moins par leur propre indépendance la dure oppression qu’ils faisaient subir aux autres ? Ecoutez Plutarque : « On ne laissait à personne, dit-il[2], la liberté de vivre à son gré ; la ville était comme un camp où l’on menait le genre de vie prescrit par la loi. » Si nous ajoutons maintenant à cette rudesse, à cette vie uniforme des hommes, le relâchement et la mollesse qu’Aristote reproche aux femmes [3], et qui étaient la conséquence inévitable d’une éducation contre nature, nous nous convaincrons que Sparte

  1. Aristote, Politique liv. II. chap. 7.
  2. Vie de Lycurgue.
  3. Politique, ubi supra.