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alors la liberté qui leur est remise par d’autres mains que les leurs n’aura rien de réel, rien de permanent. Aucun peuple n’a jamais été et n’est jamais resté libre que parce qu’il était déterminé à l’être ; parce que ni ses gouvernants ni aucun parti au sein de la nation n’a pu le contraindre à être autrement. Si un peuple — spécialement un dont la liberté n’est pas encore devenue la norme — ne la valorise pas assez pour se battre pour elle, et la maintenir contre toute force qui peut être réunie dans le pays, y compris par ceux qui ont le commandement des revenus publics, alors ce n’est qu’une question de quelques années ou mois pour que ce peuple soit réduit à l’esclavage. Soit le gouvernement qu’il s’est donné, soit un chef militaire ou une association de conspirateurs qui s’efforcent de subvertir le gouvernement, mettront rapidement un terme à toutes les institutions populaires : à moins qu’il ne leur convienne mieux de les laisser en place, en se contentant de les réduire à des dispositifs de pure forme ; car, à moins que l’esprit de liberté soit fort parmi le peuple, ceux qui ont l’exécutif entre leurs mains manipulent facilement toute institution pour la mettre au service du despotisme. Il n’existe aucune garantie fiable contre cette issue déplorable, même dans un pays qui a réussi à gagner sa liberté par lui-même ; comme on peut le voir à travers des exemples frappants au Nouveau comme dans l’Ancien Monde : mais lorsque la liberté a été gagnée pour eux, ils ont effectivement très peu de chances d’échapper à ce destin. Lorsqu’un peuple a eu le malheur d’être gouverné par un gouvernement sous lequel les sentiments et les qualités nécessaires pour maintenir la liberté ne pouvaient pas se développer, c’est pendant un combat ardu pour devenir libre par ses propres forces que ces sentiments et qualités ont les meilleures chances de surgir. Les hommes s’attachent à ce pour quoi ils ont longtemps combattu et fait des sacrifices, ils apprennent à apprécier ce que leurs pensées ont tellement caressé ; et une confrontation dans laquelle des hommes ont été appelés en nombre à se dévouer pour leur pays est une école où ils peuvent apprendre à placer l’intérêt du pays au dessus du leur.

Il est donc rarement — je ne vais pas aller jusqu’à dire « jamais » — judicieux ou juste, dans un pays doté d’un gouvernement libre, d’assister un autre peuple dans ses tentatives pour arracher la même bénédiction de ses gouvernants indigènes, autrement que par le soutien moral de son opinion. Il faut excepter tout cas, bien sûr, où une telle assistance constitue une mesure de légitime défense. Si (une éventualité qui est loin d’être improbable) l’Angleterre, parce qu’on lui tient rigueur de sa liberté, qui est partout un reproche tenant tête au despotisme, et un encouragement à le rejeter, devait se trouver menacée d’une attaque par une coalition de despotes continentaux, elle devrait considérer le parti populaire de chaque nation du continent comme son allié naturel, les libéraux devant être à cet égard ce que les protestants d’Europe étaient pour le gouvernement de la reine Élisabeth. Ainsi, encore, lorsqu’une nation, pour sa propre défense, est entrée en guerre contre un despote, et a la rare et bonne fortune non seulement de réussir dans sa résistance, mais de tenir entre ses mains les conditions de la paix, elle a le droit de dire qu’elle ne conclura aucun traité, à moins que ce ne soit avec un autre dirigeant que celui dont l’existence en tant que tel pourrait constituer une menace perpétuelle à l’encontre de sa sécurité et de sa liberté. Ces exceptions ne font qu’éclairer sous un jour plus vif les raisons de cette règle ; parce qu’elles ne dépendent pas d’un défaut de ces raisons, mais de conditions qui leurs sont supérieures, et qui découlent d’un principe différent.

Mais le cas d’un peuple combattant un joug étranger, ou contre une tyrannie indigène soutenue par des armes étrangères, illustre inversement les raisons de la non-intervention ; car dans ce cas les raisons elles-mêmes n’existent pas. Un peuple le plus attaché à la liberté, le plus capable de défendre et d’utiliser les institutions libres, pourrait être incapable de combattre pour elles avec succès contre la force militaire d’une autre nation bien plus puissante. Assister un peuple ainsi réduit à l’impuissance, ne constitue pas une perturbation de l’équilibre des forces dont dépend le maintien permanent de la liberté dans un pays, mais un redressement de l’équilibre alors qu’il est déjà injustement et violemment perturbé. Pour être érigée en principe moral légitime, la doctrine de la non-intervention,