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doit être acceptée par toutes les nations. Les despotes doivent consentir à y être liés tout comme les États libres. Tant qu’ils ne le font pas, sa proclamation par les pays libres n’aboutit qu’à l’issue misérable où le mauvais camp peut aider les mauvais, mais le bon ne peut aider les bons. L’intervention en exécution du principe de non-intervention est toujours juste, toujours morale, sinon toujours prudente. Bien que ce soit une erreur de donner la liberté à un peuple qui n’en perçoit pas la valeur, il ne peut être que juste d’insister que s’il la perçoit, il ne sera pas entravé dans sa quête de liberté par la coercition étrangère. Il aurait pu ne pas être juste pour l’Angleterre (indépendamment de la question de la prudence) d’avoir pris fait et cause pour la Hongrie dans son noble combat contre l’Autriche ; quoique le gouvernement autrichien en Hongrie ait constitué en un sens un joug étranger. Mais lorsque, les Hongrois s’étant montrés susceptibles de gagner ce combat, le despote russe s’interposa, joignant ses forces à celles de l’Autriche, et livra à nouveau les Hongrois, pieds et mains liés, à leur oppresseurs exaspérés, c’eût été un acte honorable et vertueux de la part de l’Angleterre de déclarer que cela ne devrait pas être, et que si la Russie assistait le mauvais camp, l’Angleterre assisterait le bon. Cela pourrait ne pas avoir été compatible avec le souci que chaque nation doit avoir de sa propre sécurité si l’Angleterre avait pris cette position seule. Mais l’Angleterre et la France ensemble auraient pu le faire ; et si elles l’avaient fait, l’intervention armée russe n’aurait jamais eu lieu, ou aurait été désastreuse pour la seule Russie : alors que tout ce que ces puissances ont gagné à ne rien faire, est que cinq ans plus tard elles durent se battre contre la Russie, dans des circonstances plus difficiles, et sans la Hongrie comme allié. La première nation qui, étant assez puissante pour que ses déclarations soient suivies d’effets, aura le courage de dire qu’aucun coup de canon ne sera tiré en Europe par les soldats d’une puissance contre les sujets révoltés d’une autre, sera l’idole des amis de la liberté d’une extrémité à l’autre de l’Europe. Cette déclaration à elle seule assurera l’émancipation quasi-immédiate de chaque peuple désirant suffisamment la liberté pour être capable de la maintenir : et la nation qui fera entendre sa voix se trouvera bientôt à la tête d’une alliance des peuples libres, assez forte pour défier n’importe quel nombre de despotes coalisés pour la battre. Le prix est trop glorieux pour ne pas être saisi par quelque pays libre ; et le moment pourrait ne pas être si éloigné, où l’Angleterre, si elle ne prend pas par héroïsme cette responsabilité héroïque, sera obligée de la prendre par souci de sa propre sécurité.

John Stuart Mill