Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/101

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rêves, elle constitue précisément un caractère comme un autre ; nous ne pouvons prescrire aux choses le caractère qu’elles doivent présenter. Il y a d’ailleurs aussi des rêves clairs et définis. Et, d’autre part, la recherche psychiatrique porte souvent sur des objets qui souffrent de la même indétermination, comme c’est le cas de beaucoup de représentations obsédantes dont s’occupent cependant des psychiatres respectables et éminents. Je me rappelle le dernier cas qui s’est présenté dans ma pratique médicale. La malade commença par me déclarer : « J’éprouve un sentiment comme si j’avais fait ou voulu faire du tort à un être vivant… À un enfant ? Mais non, plutôt à un chien. J’ai l’impression de l’avoir jeté d’un pont ou de lui avoir fait du mal autrement. » Nous pouvons remédier au préjudice résultant de l’incertitude des souvenirs qui se rapportent à un rêve, en postulant que ne doit être considéré comme étant le rêve que ce que le rêveur raconte et qu’on doit faire abstraction de tout ce qu’il a pu oublier ou déformer dans ses souvenirs. Enfin, il n’est pas permis de dire d’une façon générale que le rêve est un phénomène sans importance. Chacun sait par sa propre expérience que la disposition psychique dans laquelle on se réveille à la suite d’un rêve peut se maintenir pendant une journée entière. Les médecins connaissent des cas où une maladie psychique a débuté par un rêve et où le malade a gardé une idée fixe ayant sa source dans ce rêve. On raconte que des personnages historiques ont puisé dans des rêves la force d’accomplir certaines grandes actions. On peut donc se demander d’où vient le mépris que les milieux scientifiques professent à l’égard du rêve.

Je vois dans ce mépris une réaction contre l’importance exagérée qui lui avait été attribuée jadis. On sait que la reconstitution du passé n’est pas chose facile, mais nous pouvons admettre sans hésitation que nos ancêtres d’il y a trois mille ans et davantage ont rêvé de la même manière que nous. Autant que nous le sachions, tous les peuples anciens ont attaché aux rêves une grande valeur et les ont considérés comme pratiquement utilisables. Ils y ont puisé des indications relatives à l’avenir, ils y ont cherché des présages. Chez les Grecs et les peuples orientaux, une campagne militaire sans interprètes