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Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/105

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analogues à celles de cette existence : chaleur, obscurité, absence d’excitations. Certains d’entre nous se roulent en outre en boule et donnent à leur corps, pendant le sommeil, une attitude analogue à celle qu’il avait dans les flancs de la mère. On dirait que même à l’état adulte nous n’appartenons au monde que pour les deux tiers de notre individualité et que pour un tiers nous ne sommes pas encore nés. Chaque réveil matinal est pour nous, dans ces conditions, comme une nouvelle naissance. Ne disons-nous pas de l’état dans lequel nous nous trouvons en sortant du sommeil : nous sommes comme des nouveau-nés ? Ce disant, nous nous faisons sans doute une idée très fausse de la sensation générale du nouveau-né. Il est plutôt à supposer que celui-ci se sent très mal à son aise. Nous disons également de la naissance : apercevoir la lumière du jour.

Si le sommeil est ce que nous venons de dire, le rêve, loin de devoir en faire partie, apparaît plutôt comme un accessoire malencontreux. Nous croyons que le sommeil sans rêves est le meilleur, le seul vrai ; qu’aucune activité psychique ne devrait avoir lieu pendant le sommeil. Si une activité psychique se produit, c’est que nous n’avons pas réussi à réaliser l’état de repos fœtal, à supprimer jusqu’aux derniers restes de toute activité psychique. Les rêves ne seraient autre chose que ces restes, et il semblerait en effet que le rêve ne doit avoir aucun sens. Il en était autrement des actes manqués qui sont des activités de l’état de veille. Mais quand je dors, après avoir réussi à arrêter mon activité psychique, à quelques restes près, il n’est pas du tout nécessaire que ces restes aient un sens. Ce sens, je ne saurais même pas l’utiliser, la plus grande partie de ma vie psychique étant endormie. Il ne pourrait en effet s’agir que de réactions sous forme de contractions, que de phénomènes psychiques provoqués directement par une excitation somatique. Les rêves ne seraient ainsi que des restes de l’activité psychique de l’état de veille, restes susceptibles seulement de troubler le sommeil ; et nous n’aurions plus qu’à abandonner ce sujet comme ne rentrant pas dans le cadre de la psychanalyse.

Mais à supposer même que le rêve soit inutile, il n’en existe pas moins, et nous pourrions essayer de nous