Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/120

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Mais je tiens à avertir ceux d’entre vous qui entendent persister avec moi dans ma tentative que mes deux suppositions n’ont pas une valeur égale. En ce qui concerne la première, celle d’après laquelle le rêve serait un phénomène psychique, nous nous proposons de la démontrer par le résultat de notre travail ; quant à la seconde, elle a déjà été démontrée dans un autre domaine, et je prends seulement la liberté de l’utiliser pour la solution des problèmes qui nous intéressent ici.

Où et dans quel domaine la démonstration a-t-elle été faite qu’il existe une connaissance dont nous ne savons cependant rien, ainsi que nous l’admettons ici en ce qui concerne le rêveur ? Ce serait là un fait remarquable, surprenant, susceptible de modifier totalement notre manière de concevoir la vie psychique et qui n’aurait pas besoin de demeurer caché. Ce serait en outre un fait qui, tout en se contredisant dans les termes — contradictio in adjecto — n’en exprimerait pas moins quelque chose de réel. Or, ce fait n’est pas caché du tout. Ce n’est pas sa faute si on ne le connaît pas ou si l’on ne s’y intéresse pas assez ; de même que ce n’est pas notre faute à nous si les jugements sur tous ces problèmes psychologiques sont formulés par des personnes étrangères aux observations et expériences décisives sur ce sujet.

C’est dans le domaine des phénomènes hypnotiques que la démonstration dont nous parlons a été faite. En assistant, en 1889, aux très impressionnantes démonstrations de Liébault et Bernheim, de Nancy, je fus témoin de l’expérience suivante. On plongeait un homme dans l’état somnambulique pendant lequel on lui faisait éprouver toutes sortes d’hallucinations : au réveil, il semblait ne rien savoir de ce qui s’était passé pendant son sommeil hypnotique. À la demande directe de Bernheim de lui faire part de ces événements, le sujet commençait par répondre qu’il ne se souvenait de rien. Mais Bernheim d’insister, d’assurer le sujet qu’il le sait, qu’il doit se souvenir : on voyait alors le sujet devenir hésitant, commencer à rassembler ses idées, se souvenir d’abord, comme à travers un rêve, de la première sensation qui lui avait été suggérée, puis d’une autre ; les souvenirs devenaient de plus en plus nets et complets, jusqu’à émerger sans aucune lacune. Or, puisque le sujet n’avait