Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’intelligence du problème du rêve, le fait que certains produits, très transparents, de l’imagination ont reçu le nom de rêves éveillés. En effet, ces rêves éveillés ne sont autre chose que des accomplissements de désirs ambitieux et érotiques, qui nous sont bien connus ; mais quoique vivement représentées, ces réalisations de désirs, sont seulement pensées et ne prennent jamais la forme d’événements hallucinatoires de la vie psychique. C’est ainsi que des deux principaux caractères du rêve, c’est le moins certain qui est maintenu ici, tandis que l’autre disparaît, parce qu’il dépend de l’état de sommeil et n’est pas réalisable dans la vie éveillée. Le langage courant lui-même semble soupçonner le fait que le principal caractère des rêves consiste dans la réalisation de désirs. Disons en passant que si les événements vécus dans le rêve ne sont que des représentations transformées et rendues possibles par les conditions de l’état de sommeil, donc des « rêves éveillés nocturnes », nous comprenons que la formation d’un rêve ait pour effet de supprimer l’excitation nocturne et de satisfaire le désir, car l’activité des rêves éveillés implique elle aussi la satisfaction de désirs et ne s’exerce qu’en vue de cette satisfaction.

D’autres manières de parler expriment encore le même sens. Tout le monde connaît le proverbe : « Le porc rêve de glands, l’oie rêve de maïs » ; ou la question : « De quoi rêve la poule ? » et la réponse : « De grains de millet. » C’est ainsi que descendant encore plus bas que nous ne l’avons fait, c’est-à-dire de l’enfant à l’animal, le proverbe voit lui aussi dans le contenu du rêve la satisfaction d’un besoin. Nombreuses sont les expressions impliquant le même sens : « beau comme dans un rêve », « je n’aurais jamais rêvé d’une chose pareille », « c’est une chose dont l’idée ne m’était pas venue, même dans mes rêves les plus hardis ». Il y a là, de la part du langage courant, un parti pris évident. Il y a aussi des rêves qui s’accompagnent d’angoisse, des rêves ayant un contenu pénible ou indifférent, mais ces rêves-là n’ont pas reçu l’hospitalité du langage courant. Ce langage parle bien de rêves « méchants », mais le rêve tout court n’est pour lui que le rêve qui procure la douce satisfaction d’un désir. Il n’est pas de proverbe où il soit question du porc ou de l’oie rêvant qu’ils sont saignés.