Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/151

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expliquer cette déformation, nous aurons besoin de la technique psychanalytique dont nous avons pu nous passer lors de l’acquisition de nos connaissances relatives aux rêves d’enfants.

Il existe toutefois un groupe de rêves non déformés qui, tels les rêves d’enfants, apparaissent comme des réalisations de désirs. Ce sont les rêves qui, pendant tout le cours de la vie, sont provoqués par les impérieux besoins organiques : faim, soif, besoins sexuels. Ils constituent donc des réalisations de désirs s’effectuant par réaction à des excitations internes. C’est ainsi qu’une fillette de 19 mois fait un rêve composé d’un menu auquel elle avait ajouté son nom (Anna F… fraises, framboises, omelette, bouillie) : ce rêve est une réaction à la diète à laquelle elle avait été soumise pendant une journée à cause d’une indigestion qu’on avait attribuée à l’absorption de fraises et de framboises. La grand-mère de cette fillette, dont l’âge ajouté à l’âge de celle-ci donnait un total de 70 ans, fut obligée, en raison de troubles que lui avait occasionnés son rein flottant, de s’abstenir de nourriture pendant une journée entière : la nuit suivante elle rêve qu’elle est invitée à dîner chez des amis qui lui offrent les meilleurs morceaux. Les observations se rapportant à des prisonniers privés de nourriture ou à des personnes qui, au cours de voyages et d’expéditions, se trouvent soumises à de dures privations, montrent que dans ces conditions tous les rêves ont pour objet la satisfaction des désirs qui ne peuvent être satisfaits dans la réalité. Dans son livre Antarctic (Vol. 1, p. 336, 1904), Otto Nordenskjolld parle ainsi de l’équipage qui avait hiverné avec lui : « Nos rêves, qui n’avaient jamais été plus vifs et plus nombreux qu’alors, étaient très significatifs, en ce qu’ils indiquaient nettement le direction de nos idées. Même ceux de nos camarades qui, dans la vie normale, ne rêvaient qu’exceptionnellement, avaient à nous raconter de longues histoires chaque matin, lorsque nous nous réunissions pour échanger nos dernières expériences puisées dans le monde de l’imagination. Tous ces rêves se rapportaient au monde extérieur dont nous étions si éloignés, mais souvent aussi à notre situation actuelle… Manger et boire : tels étaient d’ailleurs les centres autour desquels nos rêves gravitaient le plus souvent. L’un de