Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/210

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il fait pendant longtemps des rêves singuliers dans lesquels on trouve les compromis les plus étonnants entre la certitude de la mort et le besoin de faire revivre le mort. Tantôt le disparu, tout en étant mort, continue de vivre, car il ne sait pas qu’il est mort, alors qu’il mourrait tout à fait s’il le savait ; tantôt il est à moitié mort, à moitié vivant, et chacun de ces états se distingue par des signes particuliers. On aurait tort de traiter ces rêves d’absurdes, car la résurrection n’est pas plus inadmissible dans le rêve que dans le conte, par exemple, où elle constitue un événement ordinaire. Pour autant que j’ai pu analyser ces rêves, j’ai trouvé qu’ils se prêtaient à une explication rationnelle, mais que le pieux désir de rappeler le mort à la vie sait se satisfaire par les moyens les plus extraordinaires. Je vais vous citer un rêve de ce genre, qui paraît bizarre et absurde et dont l’analyse vous révélera certains détails que nos considérations théoriques étaient de nature à vous faire prévoir. C’est le rêve d’un homme qui a perdu son père depuis plusieurs années.

Le père est mort, mais il a été exhumé et a mauvaise mine. Il reste en vie depuis son exhumation et le rêveur fait tout son possible pour qu’il ne s’en aperçoive pas. (Ici le rêve passe à d’autres choses, très éloignées en apparence.)

Le père est mort : nous le savons. Son exhumation ne correspond pas plus à la réalité que les détails ultérieurs du rêve. Mais le rêveur raconte : lorsqu’il fut revenu des obsèques de son père, il éprouva un mal de dents. Il voulait traiter la dent malade selon la prescription de la religion juive : « Lorsqu’une dent te fait souffrir, arrache-la », et se rendit chez le dentiste. Mais celui-ci lui dit : « On ne fait pas arracher une dent ; il faut avoir patience. Je vais vous mettre dans la dent quelque chose qui la tuera. Revenez dans trois jours : j’extrairai cela. »

C’est cette « extraction », dit tout à coup le rêveur, qui correspond à l’exhumation.

Le rêveur aurait-il raison ? Pas tout à fait, car ce n’est pas la dent qui devait être extraite, mais sa partie morte. Mais c’est là une des nombreuses imprécisions que, d’après nos expériences, on constate souvent dans les rêves. Le rêveur aurait alors opéré une condensation, en