Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/211

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fondant en un seul le père mort et la dent tuée et cependant conservée. Rien d’étonnant s’il en est résulté dans le rêve manifeste quelque chose d’absurde, car tout ce qui est de la dent ne peut pas s’appliquer au père. Où se trouverait en général entre le père et la dent, ce tertium comparationis qui a rendu possible la condensation que nous trouvons dans le rêve manifeste ?

Il doit pourtant y avoir un rapport entre le père et la dent, car le rêveur nous dit qu’il sait que lorsqu’on rêve d’une dent tombée, cela signifie qu’on perdra un membre de sa famille.

Nous savons que cette interprétation populaire est inexacte ou n’est exacte que dans un sens spécial, c’est-à-dire en tant que boutade. Aussi serons-nous d’autant plus étonnés de retrouver ce thème derrière tous les autres fragments du contenu du rêve.

Sans y être sollicité, notre rêveur se met maintenant à nous parler de la maladie et de la mort de son père, ainsi que de son attitude à l’égard de celui-ci. La maladie du père a duré longtemps, les soins et le traitement ont coûté au fils beaucoup d’argent. Et, pourtant, lui, le fils, ne s’en était jamais plaint, n’avait jamais manifesté la moindre impatience, n’avait jamais exprimé le désir de voir la fin de tout cela. Il se vante d’avoir toujours éprouvé à l’égard de son père un sentiment de piété vraiment juive, de s’être toujours rigoureusement conformé à la loi juive. N’êtes-vous pas frappés de la contradiction qui existe dans les idées se rapportant aux rêves ? Il a identifié dent et père. À l’égard de la dent il voulait agir selon la loi juive qui ordonnait de l’arracher dès l’instant où elle était une cause de douleur et contrariété. À l’égard du père, il voulait également agir selon la loi qui, cette fois, ordonne cependant de ne pas se plaindre de la dépense et de la contrariété, de supporter patiemment l’épreuve et de s’interdire toute intention hostile envers l’objet qui est cause de la douleur. L’analogie entre les deux situations aurait cependant été plus complète si le fils avait éprouvé à l’égard du père les mêmes sentiments qu’à l’égard de la dent, c’est-à-dire s’il avait souhaité que la mort vînt mettre fin à l’existence inutile, douloureuse et coûteuse de celui-ci.

Je suis persuadé que tels furent effectivement les sentiments