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Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/223

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rêve. Vous connaissez tous par expérience la remarquable amnésie de l’enfance. Je parle du fait que les cinq, six ou huit premières années de la vie ne laissent pas, comme les événements de la vie ultérieure, de traces dans la mémoire. On rencontre bien des individus croyant pouvoir se vanter d’une continuité mnémonique s’étendant sur toute la durée de leur vie, depuis ses premiers commencements, mais le cas contraire, celui de lacunes dans la mémoire, est de beaucoup le plus fréquent. Je crois que ce fait n’a pas suscité l’étonnement qu’il mérite. À l’âge de deux ans, l’enfant sait déjà bien parler ; il montre bientôt après qu’il sait s’orienter dans des situations psychiques compliquées et il manifeste ses idées et sentiments par des propos et des actes qu’on lui rappelle plus tard, mais qu’il a lui-même oubliés. Et pourtant, la mémoire de l’enfant étant moins surchargée pendant les premières années que pendant les années qui suivent, par exemple la huitième, elle devrait être plus sensible et plus souple, donc plus apte à retenir les faits et les impressions. D’autre part, rien ne nous autorise à considérer la fonction de la mémoire comme une fonction psychique élevée et difficile : on trouve, au contraire, une bonne mémoire même chez des personnes dont le niveau intellectuel est très bas.

À cette particularité s’en superpose une autre, à savoir que le vide mnémonique qui s’étend sur les premières années de l’enfance n’est pas complet : certains souvenirs bien conservés émergent, souvenirs correspondant le plus souvent à des impressions plastiques et dont rien d’ailleurs ne justifie la conservation. Les souvenirs se rapportant à des événements ultérieurs subissent dans la mémoire une sélection : ce qui est important est conservé, et le reste est rejeté. Il n’en est pas de même des souvenirs conservés qui remontent à la première enfance. Ils ne correspondent pas nécessairement à des événements importants de cette période de la vie, pas même à des événements qui pourraient paraître importants au point de vue de l’enfant. Ces souvenirs sont souvent tellement banals et insignifiants que nous nous demandons avec étonnement pourquoi ces détails ont échappé à l’oubli. J’avais essayé jadis de résoudre à l’aide de l’analyse l’énigme de l’amnésie infantile et des restes de souvenirs