Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/224

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conservés malgré cette amnésie, et je suis arrivé à la conclusion que même chez l’enfant les souvenirs importants sont les seuls qui aient échappé à la disparition. Seulement, grâce aux processus que vous connaissez déjà et qui sont celui de condensation et surtout celui de déplacement, l’important se trouve remplacé dans la mémoire, par des éléments qui paraissent moins importants. En raison de ce fait, j’ai donné aux souvenirs de l’enfance le nom de souvenirs de couverture ; une analyse approfondie permet d’en dégager tout ce qui a été oublié.

Dans les traitements psychanalytiques on se trouve toujours dans la nécessité de combler les lacunes que présentent les souvenirs infantiles ; et, dans la mesure où le traitement donne des résultats à peu près satisfaisants, c’est-à-dire dans un très grand nombre de cas,on réussit à évoquer le contenu des années d’enfance couvert par l’oubli. Les impressions reconstituées n’ont en réalité jamais été oubliées : elles sont seulement restées inaccessibles, latentes, refoulées dans la région de l’inconscient. Mais il arrive aussi qu’elles émergent spontanément de l’inconscient, et cela souvent à l’occasion de rêves. Il apparaît alors que la vie de rêve sait trouver l’accès à ces événements infantiles latents. On en trouve de beaux exemples dans la littérature et j’ai pu moi-même apporter à l’appui de ce fait un exemple personnel. Je rêvais une nuit, entre autres, d’une certaine personne qui m’avait rendu un service et que je voyais nettement devant mes yeux. C’était un petit homme borgne, gros, ayant la tête enfoncée dans les épaules. J’avais conclu, d’après le contexte du rêve, que cet homme était un médecin. Heureusement j’ai pu demander à ma mère, qui vivait encore, quel était l’aspect extérieur du médecin de ma ville natale que j’avais quittée à l’âge de 3 ans, et j’ai appris qu’il était en effet borgne, petit, gros, qu’il avait la tête enfoncée dans les épaules ; j’ai appris en outre par ma mère dans quelle occasion, oubliée par moi, il m’avait soigné. Cet accès aux matériaux oubliés des premières années de l’enfance constitue donc un autre trait archaïque du rêve.

La même explication vaut pour une autre des énigmes auxquelles nous nous étions heurtés jusqu’à présent. Vous vous rappelez l’étonnement que vous avez éprouvé