Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/235

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

retour aux débuts de notre développement moral, le rêve nous transformant pour ainsi dire en enfants au point de vue de la pensée et du sentiment, nous n’avons aucune raison plausible d’avoir honte de ces rêves. Mais comme le rationnel ne forme qu’un compartiment de la vie psychique, laquelle renferme beaucoup d’autres éléments qui ne sont rien moins que rationnels, il en résulte que nous éprouvons quand même une honte irrationnelle de nos rêves. Aussi les soumettons-nous à la censure et sommes-nous honteux et contrariés lorsqu’un de ces désirs prohibés dont les rêves sont remplis a réussi à pénétrer jusqu’à la conscience sous une forme assez inaltérée pour pouvoir être reconnu ; et dans certains cas nous avons honte même de nos rêves déformés, comme si nous les comprenions. Souvenez-vous seulement du jugement plein de déception que la brave vieille dame avait formulé au sujet de son rêve non interprété, relatif aux « services d’amour ». Le problème ne peut donc pas être considéré comme résolu, et il est possible qu’en poursuivant notre étude sur les mauvais éléments qui se manifestent dans les rêves, nous soyons amenés à formuler un autre jugement et une autre appréciation concernant la nature humaine.

Au terme de toute cette recherche, nous nous trouvons en présence de deux données qui constituent cependant le point de départ de nouvelles énigmes, de nouveaux doutes. Premièrement : la régression qui caractérise le travail d’élaboration est non seulement formelle, mais aussi matérielle. Elle ne se contente pas de donner à nos idées un mode d’expression primitif : elle réveille encore les propriétés de notre vie psychique primitive, l’ancienne prépondérance du moi, les tendances primitives de notre vie sexuelle, voire notre ancien bagage intellectuel, si nous voulons bien considérer comme tels les symboles. Deuxièmement : tout cet ancien infantilisme, qui fut jadis dominant et prédominant, doit être aujourd’hui situé dans l’inconscient, ce qui modifie et élargit la conception que nous en avons. N’est plus seulement inconscient ce qui est momentanément latent : l’inconscient forme un domaine psychique particulier, ayant ses tendances propres, son mode d’expression spécial et des mécanismes psychiques qui ne manifestent leur activité