Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/24

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des notions qui répondent aux conventions et nécessités sociales. Or, au point de vue social, la sexualité est envisagée uniquement dans ses rapports avec la reproduction de l’espèce. Le langage courant ne tient pas compte de toutes les phases que traverse la sexualité dans la vie individuelle, avant de devenir cette fonction utilitaire qu’est la reproduction. Celle-ci n’est, en effet, que l’aboutissant d’un certain nombre de processus qui se manifestent dès l’enfance, processus dont certains ont été intensifiés, après avoir subi une sélection, tandis que d’autres ont été supprimés. On observe chez l’enfant un grand nombre de dispositions sexuelles, dont le fonctionnement diffère notablement de celui des processus sexuels de l’adulte et qui, dans leur développement ultérieur, présentent la plus grande variabilité. Les perversions sexuelles de l’adulte ne sont le plus souvent que le retour à ce que Freud appelle l’infantilisme sexuel.

Toutes les formes de perversion, dit-il encore, existent déjà à l’état latent chez l’enfant, qui est un pervers polymorphe. Sous l’influence de l’éducation, sous la pression du milieu social, ces formes disparaissent chez les individus normaux, et l’énergie psychique qui accompagne les impulsions perverses est « sublimée » et orientée dans des directions ayant une valeur sociale plus grande. Dans les cas anormaux, lorsque la tendance perverse est trop forte, elle aboutit, ainsi que nous l’avons vu, à une perversion manifeste. Dans d’autres cas encore, l’impulsion, sans aboutir à une perversion proprement dite, se manifeste sous la forme d’un symptôme psycho-neurotique qui constitue ainsi une satisfaction « déguisée » d’une tendance perverse. Chez le même individu, une tendance perverse peut se manifester à la fois sous la forme d’une perversion, d’une psychoneurose et d’une « sublimation » dans une création artistique. Certains traits de caractère anormaux, de peu de valeur sociale, peuvent être également considérés comme des effets de « sublimation » : telle la tendance morbide de certains puritains à être choqués par la moindre allusion à la vie sexuelle, tendance qui ne serait au fond qu’une