Aller au contenu

Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/270

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et d’ébranler des préjugés. Lorsque, par suite d’une ignorance matérielle, vous n’êtes pas à même de juger, vous ne devez ni croire ni rejeter. Vous n’avez qu’à écouter et à laisser agir sur vous ce qu’on vous dit. Il n’est pas facile d’acquérir des convictions, et celles auxquelles on arrive sans peine se montrent le plus souvent sans valeur et sans résistance. Celui-là seul a le droit d’avoir des convictions qui a, pendant des années, travaillé sur les mêmes matériaux et assisté personnellement à la répétition de ces expériences nouvelles et surprenantes dont j’aurai à vous parler. À quoi servent, dans le domaine intellectuel, ces convictions rapides, ces conversions s’accomplissant avec l’instantanéité d’un éclair, ces répulsions violentes ? Ne voyez-vous donc pas que le « coup de foudre », l’amour instantané font partie d’une région tout à fait différente, du domaine affectif notamment ? Nous ne demandons pas à nos patients d’être convaincus de l’efficacité de la psychanalyse ou de donner leur adhésion à celle-ci. S’ils le faisaient, cela nous les rendrait suspects. L’attitude que nous apprécions le plus chez eux est celle d’un scepticisme bienveillant. Essayez donc, vous aussi, de laisser lentement mûrir en vous la conception psychanalytique, à côté de la conception populaire ou psychologique, jusqu’à ce que l’occasion se présente où l’une et l’autre puissent entrer dans une relation réciproque, se mesurer et en s’associant faire naître finalement une conception décisive.

D’autre part, vous auriez tort de croire que ce que je vous expose comme étant la conception psychanalytique soit un système spéculatif. Il s’agit plutôt d’un fait d’expérience, d’une expression directe de l’observation ou du résultat de l’élaboration de celle-ci. C’est par les progrès de la science que nous pourrons juger si cette élaboration a été suffisante et justifiée et, sans vouloir me vanter, je puis dire, ayant derrière mot une vie déjà assez longue et une carrière s’étendant sur 25 années environ, qu’il m’a fallu, pour réunir les expériences sur lesquelles repose ma conception, un travail intensif et approfondi. J’ai souvent eu l’impression que nos adversaires ne voulaient tenir aucun compte de cette source de nos affirmations, comme s’il s’agissait d’idées purement subjectives auxquelles on pourrait, à volonté, en opposer d’autres.