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Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/341

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régressive. Les premières manifestations de la sexualité, qui se montrent chez le nourrisson, se rattachent à d’autres fonctions vitales. Ainsi que vous le savez, son principal intérêt porte sur l’absorption de nourriture ; lorsqu’il s’endort rassasié devant le sein de sa mère, il présente une expression d’heureuse satisfaction qu’on retrouve plus tard à la suite de la satisfaction sexuelle. Ceci ne suffirait pas à justifier une conclusion. Mais nous observons que le nourrisson est toujours disposé à recommencer l’absorption de nourriture, non parce qu’il a encore besoin de celle-ci, mais pour la seule action que cette absorption comporte. Nous disons alors qu’il suce ; et le fait que, ce faisant, il s’endort de nouveau avec une expression béate, nous montre que l’action de sucer lui a, comme telle, procuré une satisfaction. Il finit généralement par ne plus pouvoir s’endormir sans sucer. C’est un pédiatre de Budapest, le Dr Lindner, qui a le premier affirmé la nature sexuelle de cet acte. Les personnes qui soignent l’enfant et qui ne cherchent nullement à adopter une attitude théorique, semblent porter sur cet acte un jugement analogue. Elles se rendent parfaitement compte qu’il ne sert qu’à procurer un plaisir, y voient une « mauvaise habitude », et lorsque l’enfant ne veut pas renoncer spontanément à cette habitude, elles cherchent à l’en débarrasser en y associant des impressions désagréables. Nous apprenons ainsi que le nourrisson accomplit des actes qui ne servent qu’à lui procurer un plaisir. Nous croyons qu’il a commencé à éprouver ce plaisir à l’occasion de l’absorption de nourriture, mais qu’il n’a pas tardé à apprendre à la séparer de cette condition. Nous rapportons cette sensation de plaisir à la zone bucco-labiale, désignons cette zone sous le nom de zone érogène et considérons le plaisir procuré par l’acte de sucer comme un plaisir sexuel. Nous aurons certainement encore à discuter la légitimité de ces désignations.

Si le nourrisson était capable de faire part de ce qu’il éprouve, il déclarerait certainement que sucer le sein maternel constitue l’acte le plus important de la vie. Ce disant, il n’aurait pas tout à fait tort, car il satisfait par ce seul acte deux grands besoins de la vie. Et ce n’est pas sans surprise que nous apprenons par la psychanalyse combien profonde est l’importance psychique de cet