Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/342

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acte dont les traces persistent ensuite la vie durant. L’acte qui consiste à sucer le sein maternel devient le point de départ de toute la vie sexuelle, l’idéal jamais atteint de toute satisfaction sexuelle ultérieure, idéal auquel l’imagination aspire dans des moments de grand besoin et de grande privation. C’est ainsi que le sein maternel forme le premier objet de l’instinct sexuel ; et je ne saurais vous donner une idée assez exacte de l’importance de ce premier objet pour toute recherche ultérieure d’objets sexuels, de l’influence profonde qu’il exerce, dans toutes ses transformations et substitutions, jusque dans les domaines les plus éloignés de notre vie psychique. Mais bientôt l’enfant cesse de sucer le sein qu’il remplace par une partie de son propre corps. L’enfant se met à sucer son pouce, sa langue. Il se procure ainsi du plaisir, sans avoir pour cela besoin du consentement du monde extérieur, et l’appel à une deuxième zone du corps renforce en outre le stimulant de l’excitation. Toutes les zones érogènes ne sont pas également efficaces ; aussi est-ce un événement important dans la vie de l’enfant lorsque, à force d’explorer son corps, il découvre les parties particulièrement excitables de ses organes génitaux et trouve ainsi le chemin qui finira par le conduire à l’onanisme.

En faisant ressortir l’importance de l’acte de sucer, nous avons dégagé deux caractères essentiels de la sexualité infantile. Celle-ci se rattache notamment à la satisfaction des grands besoins organiques et elle se comporte, en outre, d’une façon auto-érotique, c’est-à-dire qu’elle trouve ses objets sur son propre corps. Ce qui est apparu avec la plus grande netteté à propos de l’absorption d’aliments, se renouvelle en partie à propos des excrétions. Nous en concluons que l’élimination de l’urine et du contenu intestinal est pour le nourrisson une source de jouissance et qu’il s’efforce bientôt d’organiser ces actions de façon qu’elles lui procurent le maximum de plaisir, grâce à des excitations correspondantes des zones érogènes des muqueuses. Lorsqu’il en est arrivé à ce point, le monde extérieur lui apparaît, selon la fine remarque de Lou Andreas, comme un obstacle, comme une force hostile à sa recherche de jouissance et lui laisse entrevoir, à l’avenir, des luttes extérieures et