Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/349

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Ainsi que le prouve leur dénomination généralement admise, elles font incontestablement partie de la sexualité. Qu’on les appelle signes de dégénérescence ou autrement, personne n’a encore eu le courage de les ranger ailleurs que parmi les phénomènes de la vie sexuelle. N’y aurait-il que les perversions seules, nous serions déjà largement autorisés à affirmer que la sexualité et la procréation ne coïncident pas, car il est connu que toute perversion constitue une négation des fins assignées à la procréation.

Je vois à ce propos un parallèle qui n’est pas dépourvu d’intérêt. Alors que la plupart confondent le « conscient » avec le « psychique », nous avons été obligés d’élargir la notion de « psychique » et de reconnaître l’existence d’un psychique qui n’est pas conscient. Il en est de même de l’identité que certains établissent entre le « sexuel » et « ce qui se rapporte à la procréation » ou, pour abréger, le « génital », alors que nous ne pouvons faire autrement que d’admettre l’existence d’un « sexuel » qui n’est pas « génital », qui n’a rien à voir avec la procréation. L’identité dont on nous parle n’est que formelle et manque de raisons profondes.

Mais si l’existence des perversions sexuelles apporte à cette question un argument décisif, comment se fait-il que cet argument n’ait pas encore fait sentir sa force et que la question ne soit pas depuis longtemps résolue ? Je ne saurais vous le dire, mais il me semble qu’il faut en voir la cause dans le fait que les perversions sexuelles sont frappées d’une proscription particulière qui se répercute sur la théorie et s’oppose à leur étude scientifique. On dirait que les gens voient dans les perversions une chose non seulement répugnante, mais aussi monstrueuse et dangereuse, qu’ils craignent d’être induits par elles en tentation et qu’au fond ils sont obligés de réprimer en eux-mêmes, à l’égard de ceux qui en sont porteurs, une jalousie secrète dans le genre de celle qu’avoue, dans la célèbre parodie de Tannhäuser, le landgrave justicier :

« À Venusberg, il a oublié honneur et devoir !

— Hélasl ce n’est pas à nous que cette chose-là arriverait ! »

En réalité, les pervers sont plutôt des pauvres diables